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Le ciel profond à 20 euros


garfieldthecat

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L’astronomie peut être une passion assez dévoreuse de temps, mais aussi d’argent. Lorsqu’on est astram depuis de nombreuses années, on a tendance à ne jurer – moi le premier, je dois bien l’avouer – que par du matériel aux noms évocateurs et aux étiquettes de prix assez « astronomiques » : Nagler, Orion Optics, Takahashi, etc etc… Et plus on avance, plus on voit « gros », ce qui peut dérouter certains débutants qui n’entendent parfois parler que de télescopes de 300mm ou d’oculaires grand champ (là encore, j’y ai ma part de responsabilité !pomoi!).

 

Or, j’ai pu redécouvrir hier - grâce à une trouée inespérée et temporaire dans la grisaille normande et de façon bien salutaire - que l’astronomie amateur est avant tout une question de passion et pas de moyens.

 

Oyez donc, dans ce CROA aucun télescope Hiluxé, aucun oculaire grand champ, pas de monture Gotoïsée :): une simple paire de jumelles 10x50, achetée à 20 euros en grande surface la semaine dernière, deux bras pour les porter… et à la clef, une vraie plongée dans le ciel profond, avec galaxies et amas, étoiles doubles et nébuleuses, émerveillements et petites perles…

 

 

 

Première étape obligatoire de cette soirée, la Lune : je ne m’attendais à rien d’exceptionnel, mais il faut reconnaître que la vision est superbe… le petit satellite semble flotter dans le champ de 6 degrés, une belle lumière cendrée se fait voir, au sein de laquelle on devine les formes familières des mers, ponctuées des belles et entraperçues saignées blanchâtres de Copernicus, Tycho et Aristarque. Sur la partie éclairée, 4 grandes mers s’offrent au regard : la mer des crises, la mer de la fécondité, la mer du nectar et la fameuse mer de la tranquillité (rendue célèbre un certain soir de juillet 1969). Les cratères sont difficiles à percevoir, sûrement à cause des mouvements saccadés du portage à bout de bras (un simple trépied photo pourrait certainement améliorer cela).

 

 

 

Jupiter et Vénus étant déjà noyées dans les turbulences de l’horizon Ouest :confused:, il est temps de faire un petit saut dans l’immensité de l’espace. Première étape : le Cygne et la Lyre…

 

Les deux composantes principales de la double-double de la Lyre sont séparées sans aucune difficulté. Elles présentent une belle couleur blanche et des magnitudes quasi similaires. Pour Albiréo, c’est une autre paire de manches : les saccades empêchent de se concentrer sur le duo, et l’ensemble mériterait un pied photo.

 

La remontée d’Albiréo jusqu’à Deneb est à couper le souffle : des centaines d’étoiles défilent dans le champ, avec une région particulièrement dense autour de gamma : deux amas ouverts y sont perceptibles sous forme de petites boules cotonneuses, M29 au Sud Est de Gamma et NGC 6910 au Nord.

 

Une fois Deneb centrée, ce qui frappe tout de suite c’est cette immense zone de deux ou trois degrés de diamètre où le fond de ciel semble un peu plus laiteux qu’alentour : ce n’est autre que la North America (NGC 7000), dont on finit par distinguer très faiblement les contours en s’y appliquant un peu. six degrés au nord de celle-ci, l’amas ouvert M39 se laisse admirer, s’étalant sur un gros dixième du champ des jumelles, et quelques unes de ses composantes scintillent faiblement. En redescendant dans la flèche, la forme particulière de l’amas du cintre capte l’œil instantanément et devient un des très beaux objets de la région, ce qu’il est moins au télescope à cause de son étendue.

 

 

 

Un curieux petit nuage brumeux capte l’attention de l’observateur lorsqu’il tourne son regard vers Andromède. Aux jumelles, M 31 présente une belle forme ovale allongée sur au moins un degré, avec un noyau très brillant. Cette vision aux jumelles est , à priori paradoxalement, une des plus belles que j’ai eues de cet objet. Mais il faut avouer que le champ des jumelles permet de prendre conscience immédiatement de l’étendue de notre sœur jumelle, et la sensation d’une belle galaxie perdue dans le fond d’étoiles assez dense de la région n’est absolument pas reproductible dans un télescope au champ forcément limité.

 

En forçant un peu l’attention, on perçoit une petite goutte laiteuse détachée, comme si M31 venait de perdre un de ses morceaux : C’est M110 qui se balade tranquillement à un demi degré au Sud du noyau de M31. M32 est perceptible pour un œil aguerri, mais sa nature quasi ponctuelle – encore renforcée aux jumelles – n’est pas pour aider le simple flirteur.

 

 

 

Un petit tour chez l’amant d’Andromède, Persée, dévoile plusieurs beautés. Là encore, il suffit de suivre la ligne de la constellation, du Sud Est au Nord Ouest. L’étoile Menkib semble couronnée d’un fond de ciel plus dense, un peu plus laiteux qu’ailleurs sur deux ou trois degrés de long : ce sont les prémices de la nébuleuse California (NGC 1499) qui se dessinent, plus devinés que clairement visibles.

 

L’amas ouvert M34, à mi-chemin entre Alamak et Algol, scintille faiblement et quelques membres apparaissent par intermittence dans la petite boule de coton. L’amas ouvert Mel 20, centré autour de Mirfak, s’étend sur plus de 2 degrés et compte au moins une vingtaine de membres, de magnitudes et de couleurs variées, dominées par l’éclat de Mirfak. Son étendue est parfaitement adaptée au champ des jumelles.

 

En remontant au Nord, le double amas (NGC 869 et 884) est superbe : deux petits ronds granuleux, collés l’un à l’autre sur 1/6ème du champ des jumelles, avec dans chacun cinq à dix membres visibles et scintillants aux grès des caprices de la turbulence…

 

 

 

Sans s’en rendre compte, nous venons de franchir une frontière et passons dans la constellation de Cassiopée… Il est amusant d’aller un bout à l’autre de la constellation, en suivant le W, et de compter les amas ouverts visibles de part et d’autre : au bas mot une dizaine. La région la plus intéressante est située entre les étoiles Epsilon et Delta, ou sur une étendue de deux degrés quatre amas ouverts sont présents : M103 et NGC 663 sont facilement identifiables mais restent non résolus, tandis que l’observateur attentif aperçoit deux petites « oreilles de Mickey » coiffant NGC 663 : les deux amas ouverts NGC 654 et NGC 659.

 

Dans le prolongement de Shedir et Caph, M52 se présente sous l’aspect d’un petit nuage au sein duquel scintillent par intermittence quelques étoiles, noyé dans le fond de ciel de la voie lactée.

 

 

 

A l’Est, le Taureau est déjà haut au dessus de l’horizon et Aldébaran semble nous faire de l’œil. Il est donc temps de se plonger dans deux joyaux qui par eux seuls valent bien le détour et mettent la simple paire de jumelles au plan des plus gros télescopes amateurs.

 

Les Hyades, premièrement, dominées par la rouge Aldébaran, et qui forment le grand V de la tête du Taureau. Le V tient les deux tiers du champ des jumelles, et une trentaine de composantes de l’amas ou plus s’offrent au regard. Le rouge sanguin d’Aldébaran amène la petite cerise sur le très beau gâteau.

 

En glissant de dix degrés au Nord Ouest, Le flambant rouge est remplacé par le bleu doux des Pléiades. Les sept composantes principales, visibles à l’œil nu, donnent corps à ce petit chariot qui s’enrichit d’une quinzaine d’autres étoiles bleutées et d’innombrables membres plus faibles et moins colorés (une trentaine ? Une cinquantaine ? Impossible à dire…). Le tout se laisse admirer sur le quart du champ des jumelles, et les minutes filent sans qu’on s’en aperçoive.

 

 

 

Une fois que l’on s’est arraché à regret de ce double feu d’artifice, il ne faut pas oublier de faire une petite visite au Cocher et aux Gémeaux. Sur une ligne Nord Ouest – Sud Est presque parfaite de 15 degrés, s’y étalent 4 des plus beaux amas ouverts du ciel boréal. Mieux : M36, M37 et M38 y sont visibles dans le même champ, comme trois belles boules cotonneuses alignées : seul M36 laisse entrevoir quelques unes de ses composantes dans les jumelles.

 

Un peu plus bas, M35 fait bande à part mais est certainement le plus beau des quatre (enfin, ceci est laissé à la subjectivité de l’observateur tellement ces quatre là sont semblables :)) : plus étendu que les trois autres, il laisse également apercevoir cinq à dix de ses composantes.

 

 

 

Mais avec tout ça, le temps passe et le Dobson qui m’attend pour le reste de la soirée doit être en température depuis un sacré paqué de temps :D. Je m’apprête à poser avec une pointe de regrets la petite paire de jumelles quand un dernier coin de ciel semble m’attirer dans ses filets. Orion se dresse fièrement sur l’horizon Est, et je pointe les jumelles vers l’épée. La nébuleuse d’Orion est là, plus timide qu’au télescope, avec toutefois une région centrale bien brillante et illuminée par le trapèze (non résolu). Quelques extensions brumeuses et mal définies se laissent deviner de part et d’autre… mais ce qui est intéressant, c’est encore une fois de prendre la dimension de l’objet, entouré au Nord par l’amas ouvert NGC 1977 et au Sud par l’amas ouvert NGC 1980, peu denses mais dévoilant chacun cinq à dix membres brillants. Le tout s’étale sur la moitié du champ des jumelles. Une vision superbe, et qui là encore vaut certaines observations au télescope…

 

 

 

Pour moi, ceci a été une des soirées les plus agréables depuis pas mal de temps : simple flâneur sans prétentions, je me suis baladé parmi des objets que je pensais connaître par cœur depuis longtemps mais que j’ai redécouvert sous un jour nouveau. Je n’oublierai désormais jamais de prendre ma petite paire de jumelles avec moi…

 

…Et pour tous ceux et toutes celles qui débutent en se demandant si ils doivent dépenser 200, 500 ou même 1000 euros pour voir quelque chose mon message sera le suivant : pour 20 euros, le spectacle est déjà largement au rendez-vous ;)!

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Avec un 300 OO, c'est surprenant de voir que tu ne sois pas blasé des jumelles.

 

 

Eh non :). Mais il faut dire que l'observation aux jumelles et dans un télescope, ce sont deux choses assez différentes... Il est toujours intéressant de pouvoir observer un même objet dans plusieurs instruments, et de le replacer dans son environnement immédiat. et puis j'adore les très grands champs, et là les jumelles sont imbattables ;)

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excellente balade, merci garfield !

 

l’astronomie amateur est avant tout une question de passion et pas de moyens.

 

:1010:

 

 

 

Dans Cassiopée, je m'attendais a un petit passage sur NGC 457 (un petit que je manque rarement de saluer qd je passe ds le coin ;) ) ...mais il est vrai que je ne l'ai jamais recherché aux jumelles... peut etre trop petit ?

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Dans Cassiopée, je m'attendais a un petit passage sur NGC 457 (un petit que je manque rarement de saluer qd je passe ds le coin ;) ) ...mais il est vrai que je ne l'ai jamais recherché aux jumelles... peut etre trop petit ?

 

Il est bien là aux jumelles, et forme une petite brume ovale presque collée à Phi de Cassiopée... Mas c'est vrai que dans Cassiopée, j'en ai laissé quelques uns de côté dans ma description :)

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Salut passionné(e)s ,

 

Je me suis aussi pris cette paires de jumelles ( certainement les mêmes )

 

Et je vais les sortir ici même , voir un peu ce que cela donne .

 

Mais peut-on regarder la Lune simplement par ces jumelles sans filtres ?

 

L'oeil ne risque rien ?

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Salut passionné(e)s ,

 

Je me suis aussi pris cette paires de jumelles ( certainement les mêmes )

 

Et je vais les sortir ici même , voir un peu ce que cela donne .

 

Mais peut-on regarder la Lune simplement par ces jumelles sans filtres ?

 

L'oeil ne risque rien ?

 

Salut!

 

Oui, sans problèmes, tu ne risque rien... même au niveau du simple confort d'observation tu peux te passer de filtre lunaire même dans des télescopes de 115 ou 150mm. Dans mon 300, il n'y a qu'entre le premier et le dernier quartier que c'est vraiment génant d'observer sans filtre.

 

Le seul truc, c'est qu'en observant la lune, tes pupilles deviennent moins sensibles aux objets peu lumineux et il faut donc leur laisser un peu de temps (quelques minutes) pour se réhabituer au noir avant de se lancer à la recherche d'objets du ciel profond.

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Bon ! alors :

Les jumelles, je les ai ! :)

La passion, il doit m'en rester un peu ! :be:

Les cartes, elles sont là ! :be:

Copie de ce magnifique CROA, c'est fait ! :wub:

.....

Le ciel noir... heu ... ça je l'attends depuis :confused: ...

 

PFFFFF, quel temps de M...E !

 

Merci quand-même Garfield, ça me réconforte !

 

PS : Que penses-tu du grossissement (x10) ? suffisant ? Un peu juste (genre x12 ou x15 voire x20 se serait-y pô mieux) ?

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PS : Que penses-tu du grossissement (x10) ? suffisant ? Un peu juste (genre x12 ou x15 voire x20 se serait-y pô mieux) ?

 

Non, pour moi c'est très bien: qui dit faible grossissement dit plus grand champ, et c'est exactement ce que j'aime avec les jumelles :) Après, les goûts personnels jouent aussi...

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Les jumelles c'est l'instrument que tout astram devrait posséder. C'est génial, le grand champ, maniabilité au plus simple, ... De plus, pas besoin de sortir toute la quincaillerie pour n'observer que 5-10 minutes si le temps se gâte.

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  • 2 semaines plus tard...

Salut tous ,

 

A défaut de ne pouvoir sortir le 114 ce soir .

 

Je vais utilisé ces bonnes p'tites jumelles et faire un p'tit tour dans le ciel

 

La nuit s'annonce froide mais mon ciel est super dégagé , enfin c'est trés rare chez nous .

 

Je raconte ça demain

 

Bon ciel

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Un croa qui en dit long et résume aussi ma pensée profonde même si je n'ai pas cette expérience.

 

Pour ma part j'ai rencontré il a y quelques mois un astram confirmé d'un certain age qui m'a dit n'avoir utilisé pendant 25 ou 30 ans uniquement que des jumelles !!!

 

A quand les Bresser 10x50 reconnues d'utilité publique? Et remboursées par la sécu?

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superbe ballade que tu nous contes là ... très agréable à suivre ... j'utilise assez peu les jumelles, les mêmes que toi ... une bonne résolution à creuser pour 2009 ....

 

merci toi .

 

 

Un support même un manche à balai apporte un plus indéniable pour l'observation

 

les employés de la DDE ont donc des prédispositions ...

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