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NAT 2019, Raisonnance


Oeil noir

Messages recommandés

NAT.7

Raisonnance*

Hoshinoniwa (Le jardin d’étoiles ; ほしのにわ)

Du jeudi 30 mai au dimanche 2 juin

Matériel :

Dobson F5 300mm

Oculaires : 24mm, 14mm, 8mm et 5mm

Barlow x2, flitres UHC, O3

 

*Titre : jeu de mot volontaire

 

 

 

Préambule

 

 

 

La pièce baignait dans une obscurité silencieuse. Mais des yeux habitués à la nuit auraient eu tôt fait d’apprécier la faible lueur du ciel nocturne qui filtrait au travers d’une petit lucarne en surplomb. D’un regard circulaire bref, l’on pouvait embrasser une étagère supportant un bazar organisé dont quelques objets incongrus aux formes mystérieuses et porteurs d’un grand soucis de précision ; objets probablement liés à l’utilisation complexe d’instruments astronomiques. Des cartes affichées aux murs, parsemées de grains noirs, formaient à priori des constellations où étaient annotées de remarques jouxtant de nombreux cercles irréguliers. Une bibliothèque affichait fièrement des ouvrages aux tranches évocatrices. Mais tout ceci semblait irréel et le fruit d’un oubli immémorable. De quelques degrés inférieurs, le regard se poserait ensuite irrémédiablement sur un bureau couvert de documents, d’accessoires et de plumes diverses où le désordre le disputait à la géologie. Des strates de poussières enveloppaient le tout et une odeur mêlée de livres, de papiers anciens, de laiton et d’encre sèche formait une atmosphère d’oubli et de nostalgie.

Accoutumé à la pièce, l’esprit basculait vers une forme d’éveil. Un léger bourdonnement parvenait du néant, hors les murs ou bien au coeur même de cet espace, comme perçu depuis une dimension secrète. Le bourdonnement régulier s’accentuait parfois, créant une tension palpable puis diminuait de façon imperceptible alors qu’une ponctuation se serait faite attendre, vainement. Les vagues sonores se succédèrent ainsi. Une chaise était tirée en travers et semblait  vouloir s’éloigner du plan de travail. Au sol, quelques feuillets chiffonnés témoignaient d’une agitation passée. Une légère vibration sembla donner vie au chambranle de la porte ;  une infime lueur, jaunâtre, dansait sous cette dernière. Le bourdonnement devint plus précis, et les coups s’étirèrent, toujours réguliers et plus ou moins intenses sous les séquences enchaînées. L’esprit traduisait à présent ces sons singuliers, des coups donnés sur la peau d’un O-daiko. Le rythme se modifia, les coups, tout en maîtrise et en douceur se décalèrent, un second percussionniste entra dans la danse, intercalant et associant ses coups de bachi.

Les prémices d’une révolution furent annoncées par un mouvement de poussière au sol, suivi par le cliquetis d’une clanche que l’on actionnait. La porte s’entre-ouvrit et l’obscurité fut totale pour l’esprit observateur. La flamme d’une bougie vint l’aveugler et des volutes de poussières plus grandes se mirent en branle. La porte termina de s’ouvrir pour laisser apparaître une silhouette. Un temps d’arrêt fut marqué, laissant les cartes murales retrouver leur impassibilité. La silhouette s’avança jusqu’au bureau, posa délicatement la bougie, prit appui sur le dossier de la chaise et se pencha pour souffler sur un amas de feuilles au centre du plan de travail :

 

«  NAT 2016, Une courbe d’Univers attractive » trônait en entête, d'autres suivaient : NAT 2015 Epopée NATstronomique ou encore NAT 2014 Récit d'une rencontre astro... Un léger sourire mélancolique s’empara de la silhouette qui prit la pile et la lâcha sur un autre tas adjacent. Trois années de poussière s’ébrouèrent alors, initiant un mouvement d’air croissant de proche en proche, trahi par les grains de poussière irisés par la flamme dansante. La chaise fut tirée et l’on prit place face au bureau, un tiroir s’ouvrit et l’on tira un paquet de feuilles vierges, de l’encre encore liquide et une plume.

 

L’O-daiko qui résonnait en rythme fut rejoint par un Shime-daiko au son plus sec et dont les bachi frappaient le corps ou bien la peau à plat, à contre temps du son chaud et mystique du grand tambour japonais. Un son que ne pouvaient plus ignorer l’ouïe, quelque chose de tribal, de mystique, sorti de profondeurs boisées et contrôlées par des esprits invisibles, les kami avaient-ils investi les lieux?

 

Les premières lettres se succédèrent, hésitantes : « NAT 2019, Raisonnance»

 

Les percussions s’accentuèrent, s’excitèrent pour atteindre un seuil et se turent dès le pic atteint, seulement précédées par l’exclamation sèche et brutale d’une voix possédée, laissant aussitôt vibrer un silence assourdissant alors que l’esprit se serait attendu à une course effrénée : Le scribe du Cercle de l’Hyper Rouge était de retour!

 

 

 

Introduction

 

 

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Photo JohnMcBurn

 

La participation à ces NAT.7 se dessinèrent sur un fond d’enthousiasme mêlé à un étrange sentiment d’appréhension et pour cause : l’astro était en pause depuis la fin des NAT.4 en 2016! Longtemps sollicité par Tristan - et Nicolas en seconde couche - tel un lobbyiste tournant autour du parlement de Bruxelles. Je cédais à leurs attentes et au ciel étoilé pour m’inscrire à cette édition en compagnie d’Audrey et d’un ami, William, a qui j’avais donné le virus avant de tout abandonner moi-même.

Le trajet fut empli de musique et de discussion avec ma compagne, j’avais besoin de combler les silences trop annonciateurs de cogitation. J’étais en route pour les NAT!!! 3h s’écoulèrent au son de la guitare mystique de S.Teyssot Gay et du Oud délicat de Khaled Aljaramani dans leurs oeuvres  Interzone 1&2. Inter-zone, je m’y trouvais intérieurement en repensant à ces 3 années écoulées, au parcours effectué, aux choix initiés et aux questions existentielles : L’astro? Comment vivrai-je l’instant? Quelle serait l’ambiance, m’y fondrai-je à nouveau?

 

Coupons court aux atermoiements, dès la petite route menant à l’observatoire du Ligoret empruntée, dès les campements visibles, l’impatience et l’enthousiasme me frappaient sur les épaules avec quelques exigences affichées:

- Bon alors, tu en doutes encore? Allez prends ton badge et retrouve le Cercle et ses fous furieux!

 

Audrey était tout autant heureuse et enjouée de retrouver cet évènement. Nous ne fumes pas longtemps seuls à récupérer nos badges à l’accueil. Tristan nous avait repérés et en bon guide autochtone, négocia et fit modifier nos numéros d’emplacement pour agrandir l’horizon géographique du Cercle: Les tentes seraient regroupées, quitte à en installer deux sur un même terrain, histoire de compenser le désagrément causé à l’organisation.

 

En arrivant en voiture, une grande tablée se dressait dans le champs - extension du site d’observation due à l’affluence grandissante - et elle ne pouvait être autre que le puits de gravité de membres du Cercles et associés. Le tocsin sonna, les voix s’esclaffèrent et les visages s’éprirent de sourires à l’évocation d’anecdotes ou de vannes liées à notre dernière venue :

Tout se déroulait comme si cela avait eu lieu la veille. Et déjà le premier ordre de sieur Tristan :

 

- Bon vous prenez l’apéro, après vous vous installerez.

 

13h sonnait, sous les nuages promis à la nuit, Audrey et moi-même abdiquions. L’installation s’ensuivit avec légèreté, les marques n’étaient plus à prendre, tout ceci étant finalement bien rôdé dans le subconscient, les habitudes étaient naturelles.

 

Durant tout ce laps de temps résonnèrent les Shime, Uchiwa, Paranku et Tsuzumi-daiko qui vibrèrent intérieurement. Ces percussions sèches et espiègles frappées avec célérité et parfois hystérie, jouaient un flot d’ondes nerveuses et guillerettes soutenu par un Shamisen orageux. De temps à autre, une grimace, lorsque l’une de mes côtes fêlée ou cassée, entrait en conflit avec les assauts de rires communs.

 

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Photo JohnMcBurn ; campement du Cercle Rouge, premier plan centre et gauche

 

Un parfum de paix sereine flottait sur le pré, face à tous les instruments en place et à venir. Tristan avait d’ailleurs troqué son moulin à café à grain contre un à café moulu, le progrès était en marche. William arriva quelques temps après et découvrit l’ambiance avec la distance naturelle d’une personne intimidée et respectueuse de ses « ainés » (et pourtant de taille à intimider qui que ce soit : D). Fugace, une sensation de mouvement sembla apparaître et disparaître dans les ombres des télescopes endormis…

 

A suivre : Chapitre I

 

Lexique de la thématique :

O-daiko : gros tambour japonais porté sur châssis

Bachi : baguettes de percussions, de forme et taille adaptées aux différents taiko (tambours)

Shime-daiko : petit tambour à la peau tendue par des cordes (portatif ou sur châssis)

Uchime : tambour portatif  ou sur châssis semblable à une caisse claire

Uchiwa : peau tendue sur un support semblable à une raquette, de différents diamètres

Paranku : semblable à un tambourin tenue en main

Tzuzumi : tambour en forme de sablier, avec une peau de chaque côté, porté en bandoulière

Shamizen : instrument à 3 cordes, "guitare japonaise"

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Chapitre I

Retrouvailles et Marathon stellaire

Jeudi 30 mai

 

18h, nous assistons à la conférence de Fred Burgeot concernant la dernière opposition de Mars éprise d’une tempête singulière et globale. Sa connaissance géographique de l’astre roux est impressionnante et le professionnalisme de sa démarche tout autant. Vient ensuite l’heure de l’apéro officiel et du repas. Déjà les groupes d’astram’s se forment sous l’influence des puits d’affinités gravitationnelles. Pour ma part, je décide de rejoindre le pré et de délaisser la conférence suivante, attiré par l’odeur de l’herbe humide et la promesse d’une nuit d’observation bonus. La nuit s’annonçait couverte? Le ciel ne cesse alors de se libérer pour la plus grande joie de tous!

 

Je m’assieds un instant, hors la tente, face à ce ballet de silhouettes réglant et affinant les derniers détails de leurs instruments. À cet instant, le calme m’envahit, accompagné par le son tout en retenue d’un Shakuhashi perçant par intermittence la bulle introspective dans laquelle je m’étais blotti. Le battement métronome d’un Oke-daiko donne tout son sens aux attaques de la flûte japonaise. Arcturus apparaît alors, annonciatrice de l’éveil de toute une flopée d’étoiles à venir.

Autour de moi, William, Tristan, Bernadette, Stéphanie et Milan s’affairent méthodiquement. Je finis par suivre le mouvement. Cette nuit est douce, imprévue et relativement humide. L’astrodessin attendra, ce soir je retrouve le ciel des NAT et le parfum d’une orgie stellaire flotte dans l’air.

 

 

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Photo : William

 

 

Je débute par un classique, M13 dans Hercule, au 24 puis au 14mm, je pousse un peu plus avec la barlow x2. Le contraste n’est pas optimal mais je ne boude pas mon plaisir. Je visite la nébuleuse de la Lyre ensuite en attendant que le ciel noie les constellations dans une myriade d’étoiles. Influencé par ma voisine et son « fer à cheval », je me tourne du côté du Serpent pour apprécier M5. La nuit s’assombrit peu à peu, je poursuis sur les galaxies NGC5846 ; 5838 ; 5850 ; 5816 et probablement un globulaire « Palomar » dans la Vierge. Durant tout ce temps, nous tournons d’un télescope à un autre et partageons les cibles de chacun. Nicolas est présent en mode TDA et nous rappelle qu’outre le catalogue AOC, il est également spécialisé dans les NGC. Il fera un peu office de GPS stellaire.  Les galaxies sont diffuses, subtiles, mais bien présentes. Le Palomar offre sensiblement le même aspect.

 

Je décide ensuite de cibler NGC6543, l’Oeil de Chat dans le Dragon. Au 14mm barlowté, l’étoile centrale de la nébuleuse planétaire est évidente, elle ne disparaîtra plus sous les autres grossissements. Bernadette me parle alors d’une autre nébuleuse, plus petite mais semblable à l’Oeil de chat dans Hercule, située entre les étoiles 51 et Kornephoros. Effectivement, l’aspect turquoise est semblable, je ne dénicherai cependant pas son étoile centrale.

 

Je poursuis mon tour d’horizon et pointe le dobson vers la Grande Ourse pour apprécier M101 et M51 qui avait été mon dernier astrodessin… datant des dernières NAT 2016! Je ne retrouve pas le contraste et le détail d’alors. L’humidité est très présente et l’on entend de nombreux ventilo tourner (sèche-cheveux, gonfleur de matelas…) car les secondaires sont assaillis de buée. Les feuilles sur ma planche à dessin sont gondolées, les notes prises le sont au détriment de la survie du papier, qu’à cela ne tienne, je poursuis ce qui - dixit Bernadette - devient un véritable marathon étoilé. Je descends au niveau du Chien de Chasse pour dénicher M94 puis sous l’impulsion de Nicolas, je découvre la galaxie NGC5907 qui offre une belle vue, une barre oblique épaulée par un petit groupe d’étoiles faibles mais esthétique. Je coche dès lors cet objet pour un futur dessin. Nous évoquons NGC5866 mais les allées et venues de divers camarades, dont Eric notamment, nous font passer à autre chose. Revenu à mon télescope je décide d’observer le globulaire M71 dans la Flèche puis M27, la nébuleuse de Dumbell que j’apprécie toujours autant pour l’avoir croquée à plusieurs reprises. Elle se trouve alors très lumineuse. Cette nébuleuse me rappelle au bon souvenir de la Lagune et de la Trifide dans le Sagittaire. Toutes deux ne sont pas des plus contrastées mais mon secondaire s’embrume régulièrement comme tous ceux situés dans le pré extérieur. Ce que nous gagnons en horizon dégagé, nous le perdons en humidité. Je passe ensuite aux globulaires M22 et M28 de la même constellation. Nous approchons de 3h30 du matin heure locale. La fatigue est bien présente et je m’octroie une pause sur un siège vacant. Le ciel est superbe, les astram’s encore présents animent la nuit et lentement résonne en moi l’écho d’un lointain Nagado-daiko donnant un rythme lent et à peine frappé. Les cordes d’un Shamisen nerveux jouent en sourdine et le son ample, noble et chaud d’un O-daiko - sur une série de blanches clonées - résonne dans ma cage thoracique, seulement perturbé par l’interférence de cette maudite côte fissurée. Il est temps pour moi de m’abandonner au silence.

Les nuits suivantes sont annoncées prometteuses et je me dois d’être en forme.

 

En parallèle de mes observations, Audrey aura fait sa vie, rejoignant les adeptes de la technique du TDA, elle aura une nouvelle fois jouit de la bienveillance de Jean-Michel et de son petit 560… Quel plaisir de l’avoir entendue rire et converser allègrement ici ou là. J’avais peur qu’elle s’ennuie, mais visiblement elle aussi avait gardé de bonnes bases issues de notre dernier passage! William quant à lui, pouvait apprécier un superbe ciel lui qui vit aux Mureaux et qui était limité par un ciel bien pollué.

 

La phase de sommeil s’annonçait courte avec la chaleur à venir, 7h, 8h au grand maximum avant d’être sorti du duvet par un soleil revanchard… il fallait sombrer vite et bien. C’est alors que le Shakuhachi et le Shamisen s’éveillèrent, criants, stridents, jouant de dissonances incessantes tandis que l’on frappait frénétiquement des séries haletantes sur la peau d’un Tzuzumi… Le matelas gonflable ne suffit pas à amortir mes mouvements et ma côte dut se déplacer tant la douleur était insupportable. Je ne dormis que très peu et sortis de la tente aux premières lueurs, bougon, le souffle court et des éclairs de douleurs dus aux éternuements impromptus…

 

A suivre : Chapitre II

 

Lexique de la thématique :

Shakuhasi : flûte japonaise

Oke-daiko : fût de tambour assemblé de plusieurs pièces et tendu par des cordes (ou boulons)

Nagado-daiko : famille de tambours japonais de différentes tailles (très grand à petit)

 

 

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Chapitre II

L’autre est une pelle, paroxysme philosophique

Vendredi 31 mai

 

C’est donc une journée difficile sur le plan des sensations intérieures qui se déroule mais heureusement que les envolées psychiques, spirituelles, voir philosophiques, permettront de me dissocier de ce corps endolori. La chaleur est écrasante, bon nombre d’astram’s fuit les prés pour gagner le couvert feuillu des chênes avoisinants. À ce titre, le Cercle de l’Hyper Rouge se révélera conquérant, chassant le pauvre Franck de son espace dédié au hamac (vraiment navré 😅), un espace confiné, ombragé, frais et pouvant accueillir un certain nombre d’individus. C’est quelque peu gênés puis finalement débridés que nous prenons place sur l’opidum boisé pour ne plus le lâcher du séjour. Dès lors, la journée entière s’écoule à l’ombre, voyant tel ou tel membre aller et venir, laissant telle ou telle conversation vivre, se développer et se transformer. Les moments sérieux se succèdent, entrecoupés de nombreux instants légers où les rires se diffusent allègrement sur tout le campement. Quelques bouteilles sont de la partie mais le Cercle est bien décidé à profiter des superbes nuits à venir pour ne pas abuser des bonnes choses. Ces instants sont aussi enivrants que l’observation nocturne. Les liens d’amitié sont bien réels et si nous ne nous voyons que rarement et pour de l’astro, toutes ces rencontres passées semblent l’être sans réel espace temporel intercalé.

 

Certains tentent  de faire une sieste réparatrice, tandis que certaines... tentent de malmener ces honnêtes astram’s épuisés, mais leur instinct de survie permet de toujours éviter le pire (n’est-ce pas Stéphanie 😋 ).

Se déroule alors un moment de lucidité mystique où chacun évoque ses pensées intérieures, ses idées ou ses connaissances au sujet de l’infiniment grand et de l’infiniment petit, de la place et de l’impact de l’Homme. En cet instant, deux groupes discutent en parallèle autour d’une bonne table apéritive. Les deux discussions sont enlevées, les idées s’agglomèrent, les points de vue s’imbriquent et donnent naissance à des perceptions nouvelles, pertinentes, impossible à partager avec le commun des mortels. Nous sommes sur les bancs de pierre blanche d’une cité de la Grèce Antique. Une émulation intellectuelle, spirituelle et philosophique aiguë se joue alors. Seul un trio d’O-daiko accompagné d’un Tsuri-daiko pourraient rendre l’ambiance dans des percussions lentes, longues et lourdes. Nos cerveaux sont en état d’alerte, nos synapses surchauffent et nos tempes bourdonnent, les discussions ne connaissent plus de pause, chacun prenant le relais de l’autre, nous refaisons le monde, nous exposons nos émerveillements communs ou complémentaires, nous approchons la lucidité et l’éveil, nous touchons du doigt quelques vérités inaccessibles quand tombe la sentence, quand tombe cette note de cristal, cette onde de clairvoyance et en un tournemain résumé : « L’autre est une pelle* » .

Tel un baiser de plomb tombé d’un énième étage d’une tour transperçant les nuages , Stéphanie vient de créer une source d’anti-divergence, une onde de sagacité chauffée à blanc ou plus aucun mot ne semble utile, ou le don de parole devient abscons, « l’autre est une pelle » ; en cet instant, seul le silence et les rires chaotiques sont possibles et pourtant, derrière ce qui ressemble à un verre de trop, se cache le résumé le plus incongru d’une discussion des plus intéressantes. Et ne plait qu’aux éventuels kami des NAT de n’en divulguer aucun contenu, le révéler reviendrai à voler le secret du feu aux dieux imprudents. Bacchus lui-même ne pourra désormais plus gâcher ces NAT, le ciel nous appartiendrait pour de bon, restait encore à votre serviteur de trouver un temps de sommeil pour tenir bon lors de la prochaine nuit.

«  L’autre est une pelle » … et dans les fourrés jouxtant le campement fortifié du Cercle, les corps sans vie d’instruments destinés au Wadaiko gisaient là, les peaux craquelées, les cordes déchiquetées par cette instant de lucidité suprême, ce paroxysme philosophique.

Tout était dit, je m’absentai alors pour reprendre mes esprits. Audrey rejoignait quelques conférences obscures sous des chapiteaux surchauffés.

 

 

*L’autre est une pelle : principe d’émulation entre plusieurs personnes où chacun apporte un progrès à l’autre, ou chacun creuse un espace de lucidité et d’éveil bonifié pour son prochain. Concept très difficile à résumé si l’on n’a pas vécu cet instant. Copyright Stéphanie.

 

 

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Photo : William

 

 

Le soir approche enfin, les membres du Cercle plus soudés que jamais ; les ami-e-s non « confrérisé-e-s » gravitant autour, plus invités que jamais. Une nouvelle fois les tambours japonais résonnent sur le pré, au coeur d’une dimension supplémentaire inaccessible à tout autre entité que le subconscient. Une forme diffuse et maligne aura certainement migré d’ombre en ombre et rejoint le fourré boisé pour épier nos comparses. Les Kami à l’oeuvre jouent un ensemble de Taiko et de Shakuhachi lancinants. Une composition grave et inéluctable tandis que la nuit s’installe.

 

Pour ma part, je vais effectuer plusieurs tests d’oculaires en compagnie d’Eric, après avoir décidé de remettre en cause ma propre gamme, après avoir visité le stand du moulin de Blandé. La fièvre acheteuse s’est emparée de moi et je passe les deux premières heures à switcher de mon Hypérion 8mm à l’ES 8.8mm. J’essaie également deux 26 mm, un 20mm entre autres mais mon choix est clairement de monter en gamme sur l’hypérion. Je suis alors extrêmement fatigué, une fatigue profonde où ma concentration et ma vue sont mis à mal. Je ne parviens pas à me décider, je ne distingue aucun saut qualitatif flagrant. Quelque peu déçu, j’entame mes observations avec l’envie de dessiner mais je sens au fond de moi, que la nuit sera très difficile, n’ayant pu réellement dormir depuis la nuit blanche précédente, une certaine frustration s’installe en moi, je ronchonne dans mon coin, je ne parviens pas à apprécier mes observations. De son côté, Audrey est partie se coucher tôt, et William reçoit la visite de Fred Gea qui prendra le temps de lui transmettre de nombreuses notions et de visiter plusieurs objets de son cru.

 

De toute la liste que j’avais préparée en journée, je n’observerai que M64, la galaxie de l’Oeil noir, puis M51 à nouveau pour y dénicher un peu plus de détails que la veille. Je passerai rapidement sur M109 et M108, toujours dans la Grande Ourse. Je conclus sur M3 dans le Bouvier avant de me coucher, épuisé, frustré de gâcher une si belle nuit, dégagée, douce et moins humide…

 

Cette fois-ci je me cale sur le dos afin de ne pas rouler sur ma côte douloureuse. Les tambours se sont tus et je sombre sous les cris d’une foule agitée par le passage du « train de satellites d’un certain milliardaire qui n’a pas besoin de plus de pub ». J’apprendrai que la plupart auront observé jusqu’à 4h quand je les quittais à 1h, heure locale.

 

A suivre : Chapitre III 1e partie

 

Lexique de la thématique :

Tsuri : ressemble à un gong, plat, grand et suspendu dans le vide depuis deux cordes sur un châssis

Wadaiko : littéralement "tambours japonais"

Taiko : littéralement : "tambours" en japonais

 

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Chapitre III

Le jeu des Synonymes et nuit exceptionnelle

 

Samedi 1e juin

 

La clarté du jour naissant et son enveloppe inconfortablement chaude au sein de la tente nous font lever avec Audrey dès 7h30. Ma compagne souhaite visiter un site touristique et choisit le Château de Lucet qui accueillit Leonard de Vinci sous l’impulsion et le mécénat de François 1er (pas fou le type, s'il pouvait avoir accès en avant première à des idées et technologies avancées sorti de l'esprit de Léonard...). Nous arrivons peu après l’ouverture et le site est déjà presque complet. Nous profiterons des jardins et de divers ouvrages reconstitués tirés tout droit du génie fertile d’un homme en avance sur son temps. Le Château est saturé, nous passons notre tour sous cette chaleur écrasante et décidons de retrouver le pré des NAT. J’aurai tout de même pris le temps d’effectuer quelques photos…  sur le thème de l’ombre ; ombre que nous rejoignons en début d’après-midi sous les arbres de l’opidum du Cercle.

 

 

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Photo : OliSoti (Oeil noir) Le monde en négatif

 

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Photo : OliSoti (Oeil noir) Des kami espiègles?

 

 

Les arbres sont comme les témoins ligneux et silencieux de nos échanges plus ou moins constructifs, mais toujours prolifiques. En ce jour point de tambours, point de musique tribale, non, un silence assourdissant qui verra l’ensemble de cette tablée disparaître dans un puis de matière effondré sous le regard probablement impuissant de cette petite silhouette diffuse du Kami des NAT. Les ombres vibrèrent et tremblèrent autour de lui, le Cercle venait d’être happé par quelques Oni facétieux.

Pour ma part, je revenais de je ne sais où lorsqu’à l’approche de l’opidum, je sentis une humeur changeante dans cette haie bocagère rafraichissante. Invisible de ma position, une nuée de merles rieurs semblaient avoir pris position dans les houppiers entremêlés d’érables et de chênes. En passant si près de l’horizon des évènement je finissais pas sombrer irrémédiablement dans ce qui allait devenir un tourbillon de mots, un tourbillon d’idées jetées à la volée.

 

Le jeu des synonymes était en place, un partie venait de s’écouler et Stéphanie, instigatrice de l’évènement venait de remporter son premier point de victoire. Un jeu sur les mots et le vocabulaire riche de notre langue, j’acceptais volontiers… sans avoir encore connaissance du thème imposé… il fallait partir  d‘un mot et décliner toutes les autres façon de le nommer. Sans m’en rendre compte je me trouvais embarqué dans l’aventure, le cerveau en ébullition, toutes les personnes présentes étaient intelligentes et vives d’esprit, il faudrait être inventif, avoir connu diverses expériences au cours de sa vie pour survivre dans ce… survival. Car le jeu de synonymes englobait aussi les métaphores, les allusion détournées. Autour de nous, plus rien ne comptait, nous étions une douzaine, peut-être plus et le son des tambours revint, mais il revint nerveux, tendu, redondant et parfois strident, le chant des Onidaiko - ces démons aux faces de mâles et de femelles effrayants qui se chamaillaient autour du seul et unique Nagadodaiko. Armés de bâtons courts, les Oni venaient frapper différentes parties du Nagado - le corps - offrant des sons secs et claquants tandis que l’un d’entre eux assurait un rythme nerveux et continu. des « a… um! » et des « ha… hum! » ponctuaient les percussions et perçaient le néant tels des sursauts de rayons gamma. Les Oni jouaient la naissance et la fin de l’Univers dans notre sphère dimensionnelle.

 

Je remportai la seconde manche de lutte acharnée avec mes comparses. Lancer un mot déjà utilisé ou manquer de répartie nous éjectait illico de la partie en cours, tel des éjections de matière d’une étoile entrée dans une ronde furieuse, sur elle-même. Stéphanie remporta la troisième puis la quatrième manche dans un final haletant où je lui tenais tête, puisant dans une palette de vocabulaire à faire rougir un démon. L’émulation chuta, tout un chacun convergea vers la seul conclusion possible, après avoir tutoyé le point de singularité de l’évènement : il était temps d’arrêter.

La seule connexion que nous ayons eu avec l’extérieur, aura probablement été nos rires qui fusaient et tous ces mots départis de toute fierté de les avoir prononcés. Dans ce cercle compétitif, certains s’éliminaient noblement après avoir usité les mots les plus sains, le plus poétiques ou nobles. François était ici le garant de la probité, aucun Oni ne parvint à le faire sombrer dans l’irrévérence. Milan s’efforça de rester propre, employant bien souvent des termes historiques et respectables ; Eric toucha du doigt la poésie douce et cristalline et faillit bien nous faire passer d’un trou noir à un trou de verre, mais ses efforts furent balayés par la fièvre du résultat, rester dans la ronde, ne pas en être éjecté. Aucune fierté quant aux termes employés ici, non, juste une énergie dévorante, une course à la vivacité d’esprit, au bon mot, à la trouvaille, à l’instinct bestial. La danse des démons s’estompa. Le tambour se tut, la singularité de l’évènement se dilua malgré l ‘arrivée d’Audrey qui, l’esprit frais, semblait posséder un certain potentiel. La dernière finale épique entre Stéphanie et moi-même accoucha d’une dispersion totale du groupe.

Il fallait revenir, oublier notre mise à nu pour se reconstituer, humains, dignes et adultes, responsables. Le soir approchait avec ses dernières promesses. En vue de la dernière nuit, ce jeu était, je pense, la conclusion inavouée d’une mélancolie naissante, celle de se bientôt séparer. Les NAT ont se pouvoir intérieur de lier de coeur et d’émotions, des personnes qui ne se côtoient que lors des instants astronomiques. La dernière nuit de chaque édition est toujours porteuse de déchirements tus, ce jeu en était probablement un exutoire exacerbé.

 

Mais la promesse d’une nuit sombre et dégagée fit bien vite regagner l’enthousiasme et l’impatience. Un apéro improvisé de saucisson de bon aloi, de fromage local, de pain et de boisson modérée anticipa le repas sur lequel nous passerons sans s’attarder : la nuit approchait, les derniers réglages s’effectuaient. Ledit apéro déboucha néanmoins sur un projet futur pour le Cercle de l’Hyper Rouge, renommer les constellations du ciel, ou plutôt, repartir d’un ciel « blanc » et créer nous même nos constellations afin d’utiliser nos propres repères, notre propre vocabulaire pour dénicher les trésors de l’univers. Ainsi seront imaginées des constellations telles le Décapsuleur ou encore des nébuleuses comme celle du Cul de Bouteille ou encore des amas ouverts à l’image du Tir Bouchon (Tir Bouif selon les régions)… (en fait, j’ai oublié tous les noms si drôles à l’instant où je rédige ce CROA…)

 

 

La nuit, enfin!

 

Et c’est avec une grande sympathie, une certaine empathie et beaucoup de perfectionnisme que Fred Gea s’occupa du télescope de William pour affiner, de justesse à la nuit tombante, la position du secondaire et l’alignement des miroirs. En parallèle, Eric vint améliorer ma collimation avec un cheshire et un laser  « haut de gamme » qui me permirent d’obtenir un alignement digne de ce nom. Et, telle une suite d’évènements inéluctables, nous allions observer comme jamais nous n’avions respectivement vu dans nos entonnoirs à photons (à qualité de ciel égale). Tout concordait pour nous offrir l’apogée de ces NAT 2019.

 

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Photo : William et son 350mm semblant aspirer la voie lactée

 

Tandis qu’une longue discussion, « audiblement » passionnante,  se déroule entre Milan, Audrey et Bernadette, j’entame ma soirée d’observation avec la ferme intention de dessiner quelques objets. Les conditions sont excellentes : l’air est doux, sec et le ciel totalement dégagé. En prime, je me sens en forme pour tenir une bonne partie de la nuit, tant pis si la route se fait tardivement le lendemain.

 

Je débute par Cassiopée pour retrouver l’astérisme NGC436 ou ET. Bernadette et Eric m’orientent ensuite vers la Rose de Caroline que j’aurai du mal à retranscrire mentalement. Ce coin de ciel étant encore trop clair, je tourne le dobson à l’opposé pour dénicher quelques globulaires dans Ophiucius. M107 est léger et assez diffus ; M9 est légèrement plus défini. M10 puis M5 sont logiquement plus appréciables. Je pousserai le grossissement au 14mm barlowté x2. Mais déjà les grains des globulaires, au coeur, sont plus précis que les nuits précédentes. C’est au regard de cette définition améliorée que je cible ensuite M92, le frère délaissé de M13 dans Hercule. Je pousserai jusq’au 14mm+ barlow, ce qui assombrit toujours un peu l’image, du moins en ai-je l’impression. Je compare alors ce « 7mm » au 8mm hypérion qui offre un peu plus de luminosité. L’amas est superbe, des bras étoilés semblent décrire des spirales offrant presque un croquis stylisé d’une galaxie vue par le dessus.

Pour le plaisir je retourne une troisième nuit dans la Grande Ourse à l’affût de M51. Il est à noter que la constellation est au zénith et qu’un dobson est limité pour ce genre de déplacement. Et pourtant, pour la première fois et ce durant ces trois nuits, j’aurai déniché M51 quasiment du premier coup, systématiquement, moi qui « galèrais » toujours pour la trouver… Quoi qu’il en soit, les deux galaxies sont détaillées, les bras et le pont de matière bien visibles, je retrouve l’image de mon dernier dessin effectué ici même. Mais si l’envie de la dessiner à nouveau est forte, je préfère poursuivre mon chemin, j’aspire à immortaliser de nouveaux objets, plus diffus, demandant une concentration accrue.

Conscient des bienfaits d’une « vraie » collimation, je retourne jeter un oeil aux nébuleuses de la Lagune et de la Trifide, j’ajoute Omega au menu. Le filtre UHC m’en révèle de nombreux détails, des nuances, et c’est un plaisir de s’y perdre successivement. Les champs étoilés voisins magnifient l’ensemble.

 

Entre temps, Audrey est revenue de ses discussions et de son pass illimité au 560 de Jean-Michel. Je lui fais faire le tour d’objets plus originaux (et oui à côté d’un tel diamètre, autant jouer la carte de l’originalité…) et revisite certaines choses déjà vues. Le temps passe, Tristan et William sont allés se coucher car ils souhaitent partir très tôt pour éviter les bouchons annoncés sur la route du retour. Audrey finit par en faire de même...

 

A suivre : Suite du Chapitre III et  Conclusion

 

Lexique de la Thématique :

Kami : sorte d'esprit japonais (Shintoïsme) attribué à la protection d'un lieu, d'un objet, le plus souvent naturel.

Oni : démon japonais (il en existe de nombreux selon les régions et les traditions des  différentes îles)

Oni-daiko : scène tribale de plusieurs types de démons autour d'un tambour Nagado joué par des hommes aux masques et tenues variées

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Suite du Chapitre III...

 

C’est ensuite que je me promène dans le Serpent à la recherche d’objets de « second » plan. Je finis par jeter mon dévolu sur une petite galaxie : NGC5962. Éric est à mes côtés, nous observons ensemble depuis un moment, lui aux jumelles, moi au 300mm, nous allons d’un instrument à l’autre et échangeons nos réflexions. Curieux, il m’observera dessiner l’objet méthodiquement, un oeil à l’oculaire de temps à autre pour comparer l’évolution du dessin et sa fidélité. Je dispose en premier les paires d’étoiles qui forment un cadre géométrique, esthétique et pratique pour poser l’échelle de la représentation. Je m’applique à annoter les différences de magnitudes visuelles entre elles afin de rester le plus fidèle. Une fois les étoiles principales du champs de l’oculaire reportées, je dessine la galaxie. Son coeur m’apparaît évident bien que l’objet soit diffus. Mais la complexité de l’observation sera traduite par le diamètre de son pourtour. Être honnête avec soi-même, dans ce que l’on observe, est tout le défi, ici point question de surenchère. Je notes quelques remarques pour me souvenir que le coup de crayon est déjà trop contrasté et qu’il faudra alléger cela lorsque je reprendrai le dessin au propre. J’installe ensuite les étoiles plus faibles pour équilibrer le dessin.

 

 

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Dessin passé en "inversion de couleur". Étoiles pointées aux stylos feutres de différents diamètres pour être ponctuelles et fidèles, ajustement des contrastes après inversion.

 

Je pars ensuite à la recherche d’un nouvel objet à croquer. Je visite NGC7008, la nébuleuse du Foetus dans le Cygne en écoutant Bernadette s’y attarder. L’objet est esthétique, deux étoiles sont lovées contre la nébuleuse. Ce pourrait être un bon sujet mais je sens alors la fatigue poindre le bout de son nez et le potentiel concentration atteindre un seuil critique.

 

Sous cette nuit magnifique, tout un orchestre de Wadaiko semble s’être installé dans la dimension parallèle du pré. Un Kami nous observe probablement dans un coin. Il n’est plus question de sons, de cordes, de rythmes ou de percussions, mais bien de toute une partition d’instruments variés et complémentaires. Un thème reliant la terre au ciel, l’Homme à l’Univers, représentés par les postures des musiciens dont les pieds encrés au sol se nourrissent de cette énergie pour la transposer en ondes délicieuses et résonnantes. Nos corps vibrent à leur tour des photons venus percuter les miroirs, pour se transformer en signaux visuels puis en schémas mentaux et enfin en souvenirs…

 

Je file donc dans le Dragon pour dessiner NGC5907 comme je me l’étais promis la première nuit. La galaxie est située sous l’étoile Edasich, à droite trône Alkaid de la Grande Ourse. L’objet est vu par la tranche et un groupe d’étoiles sur sa gauche offre un équilibre au futur choix de cadrage. Le coeur est évident, disposée en oblique depuis ma position d’observateur, la galaxie semble par moment déceler d’une bande sombre sur la droite de sa tranche. Je joue alors de différentes techniques d’observation pour chasser les doutes et les impressions fantômes. Je suis presque convaincu de sentir un petite barre sombre mais cela reste fugace, je ne reproduirai pas cette incertitude, je retranscris alors le plus fidèlement son halo diffus autour du coeur puis conclus en plaçant quelques étoiles peu lumineuses. Éric suit toujours mes démarches et c’est après ce dessin que je me réalise fatigué, bientôt 4h heure locale, le ciel tend à s’éclaircir.

 

 

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Dessin passé en "inversion de couleur". Étoiles pointées aux stylos feutres de différents diamètres pour être ponctuelles et fidèles, ajustement des contrastes après inversion.

 

Je range ma planche à dessin, termine sur Jupiter et Saturne, dont la turbulence masque la finesse des objets que je percevrais au profit de quelques accalmies. Je propose à Éric de jouer avec mon télescope s’il le désire, ce qu’il refuse pour les mêmes raisons que moi : il est temps de dormir.

 

 

 

 

Conclusion

Un départ et des promesses

Dimanche 2 juin

 

Malgré le peu de sommeil effectué, nous nous levons aux alentours de 7h30 avec Audrey. Le silence pèse sur le pré. Il règne une atmosphère étrange, emplie de mélancolie et de peine sur lesquelles flotte un archipel de joie, de bonheur, de sérénité et de bien être épars. Les ombres sont étirées, quelques bandeaux de nuages parsèment le ciel. Le bruit du réchaud déchire le silence pesant qui s’est établi là.

 

William et Tristan s’éveilleront peu après et plieront bagages. Nous pensions partir en début d’après-midi mais les promesses de bouchons (routiers 😅) nous font suivre nos amis. En cet instant il est difficile de saluer tout le monde comme nous le souhaiterions, comme si les « adieux » étaient trop déchirants. Faire le tour des deux sites nous paraît trop lourd, difficile sur le plan émotionnel et la fatigue n’arrange rien.

 

Une fois les instruments et tentes pliées, une fois le véhicules chargés, c’est une succession de départ silencieux qui se joue. Point de Taiko ou de Shamisen, pas de Shakuhachi, juste... le silence.

 

Une seule envie : revenir l’an prochain, au plus vite. Et pourquoi n’y aurait-il pas des NAT automnales? Cette pensée est partagée par le Cercle qui se promet de s’organiser un ou plusieurs week-ends communs, en un site le plus équidistant de chacun.

 

Bon nombre d’astram’s étaient encore en phase d’éveil lorsque nous partîmes. Les NAT se videraient peu à peu, ne restant plus que les organisateurs et quelques volontaires pour aider à tout démonter, ranger, emporter.

 

Pour ce qui est du Kami des NAT, il aura probablement rejoint l’épaule bienveillante de Jean-Louis, distillant un petit clin d’oeil au pré étoilé, dans un sourire que j’imagine espiègle et satisfait, avant de s’estomper et de disparaître… jusqu’au prochain rassemblement.

 

 

 

Epilogue

 

La plume cessa de griffer la surface du papier. Le dernier trait tremblant et en pénurie d’encre. Ainsi s’achevaient le récit des dernières NAT en cours. Le Scribe resta fixé un instant sur son oeuvre, se cala dans sa chaise et laissa s’échapper un imperceptible soupir in-interprétable. Il ouvrit le tiroir, tira un petit chiffon, essuya le bout de sa plume et  rangea le tout méticuleusement, dans des gestes presque ritualisés. La poussière qui commençait à retomber virevolta de nouveau. La bougie était en partie consumée. La silhouette se leva, pris la faible source de lumière et quitta la pièce en fermant la porte lentement. Le silence s’installa, sembla même se figer un instant lorsque tombèrent trois croches soudaines des cordes sèches d’un Shamisen, dont la dernière pointée fut suivie d’un soupir.

 

Tout était clos, jusqu’à la prochain aventure!

 

Une annotation en fin de récit spécifiait : Ce CROA est dédié à Tristan et Nicolas sans qui je ne serai pas revenu aux affaires astronomiques.

 

 

FIN

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  Bonjour

 Comme beaucoup tu commences par M13. Mon premier truc au NAT , c' est M104 , Jaws et Stargate . Peux pas faire autrement.😊

 Merci pour ce tout petit compte rendu .😉

  JM

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Hello ici, les 3 premières parties sur 5 sont désormais postées : A venir Chapitre III 1e partie puis Chapitre III 2e partie et Conclusion. Dessin astro au menu pour la fin ;)

 

Jean-Michel, tu n'as peut-être vu que le tout début , n'hésite pas à y revenir, j'ai tout mis à jour (photos, lexique...)

Edit Et navré que cela soit court, je ne sais pas faire long 😂

Redit : ajouts de liens menant vers les CROA des NAT2014, 2015 et 2016 à la  faveur du récit 😇 (pour un enduro de lecture). Des fautes de frappes et d'ortho y seront corrigées, cela ne fait pas sérieux).

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Je ne commenterai pas les premières parties car je n'ai pas eu le temps de les lire, par contre, je trouve la partie 4

Il y a 3 heures, Oeil noir a dit :

Partie 4

A venir...

et la 5

Il y a 3 heures, Oeil noir a dit :

Partie 5 et FIN

A venir...

un peu courtes

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Superbe récit, à lire bien calé devant l'écran :) Et dire que j'étais à 3 tentes du cercle rouge, je n'ai pas osé m'imiscer... Peut être n'est ce que partie remise ?

J'attends la suite avec impatience !

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Mais quel talent!!!! Tellement hâte de lire la suite, et surtout de voir tes dessins ^^

Tu as réussi a retranscrire la moindre parcelle de sensations vécues durant cette édition mémorable, a la lecture de ton récit, on s'y croirait, ça fait un bien fou!!!

 

Merci et encore BRAVO

 

Nico

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Invité emeric
Il y a 18 heures, Oeil noir a dit :

Diffusion du Chapitre III (et du jeu des synonymes  )

Demain, devrait apparaître le suite et Fin de cette aventure...  

Bon, et bien, on est demain !

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Salut Oeil noir :)

Et bien tu en as eu du courage pour rédiger ce feuilleton CROA très bien conter et bien illustré  :o 

On resent bien le plaisir que tu as eu à observer et surtout à partager ton séjour astro avec toute cette équipe :p

Merci pour le partage :)

 

PS : Dans le chapitre " Retrouvailles et marathon stellaire" la photo de "Wiliam" n’apparaît pas sur mon PC :confused:

 

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Il y a 4 heures, Dédé de St Fé a dit :

Dans le chapitre " Retrouvailles et marathon stellaire" la photo de "Wiliam" n’apparaît pas sur mon PC

Moi non plus...

 

Mais quel régal de lire cet ensemble !!!

L'ambiance générale y est superbement retranscrise, le ressenti durant la nuit, l'humidité tombante et bien présente la première nuit, tous ces ventilos en ébullition pour profiter pleinement des engins prêts à absorber le moindre photon...

Un grand bravo pour ce récit et ce style d'écriture:banana:

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Dédé, Vince84, j'ai rechargé l'image du Chapitre I.

Pour tous : pour tout bug d'affichage n'hésitez pas à me le faire savoir :) .

 

Vince84 : Merci à toi, ravi que cela plaise, c'est toujours un jeu d'équilibre entre la partie Astronomique et l'habillage thématique et un risque pris de ne pas "toucher" le lecteur. 

 

Great Gig in the sky : Merci, content de refaire surface en astro (le temps passe vite et j'ignore comment j'ai pu m'en passer si longtemps, c'est ainsi. Mais je pense ne pas me remettre en pause trop vite :D ) 

 

Nicolas : Si ceux qui ont participé à la vie décrite par ce CROA s'y retrouvent, alors j'ai atteint mon objectif ;) . Pense à lire la dernière partie, jusqu'à la dernière ligne :p 

 

Dédé : Merci à toi, cela faisait un bail que tu n'avais eu à subir mes CROA's, content de retrouver "ta section". 

 

Éric : voilà, c'est servi :p (j'ai reçu mon laser, pas le droit d'y toucher avant mon anniv, enfin si un fois, pour le tester sur le télescope et m'assurer que tout roule, après, hop dans la boite...) 😓

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Quel épilogue!!! Le Scribe est de retour, et sa plume est plus aiguisée que jamais! Merci, merci et merci! Oui il y avait une promo sur les points d'exclamation...

 

Je découvre la fin de la récré et sa dernière nuit d'observation, ayant quitté les lieux prématurément le samedi en fin d’après midi. D'ailleurs je ne suis pas certain d'avoir vu un seul dimanche des NAT maintenant que j'y pense 🤔

 

Merci pour la dernière ligne, tu avais juste oublié a quel point tu aimais ça pour te donner le temps de faire autre chose, deux trois coups de pelle et ça a refait surface :D

 

Ça fait plaisir de voir tes dessins, excellent choix ^^ NGC5907 (l'Echarde) est, je crois, la galaxie la plus fine, devant l'Aiguille avec un rapport hauteur longueur de 1:11, et son observation est très sympathique, pointée 2 fois lors des NAT, dans ton 300 et dans le 560 de Dob Bleu (ce qu'il est bien foutu, en passant, tellement qu'il ferait passer une Ferrari pour une Lada, je parle de Dob Bleu évidemment!). Ton dessin lui rend un bel hommage. On peut passer une nuit dans le dragon sans s'ennuyer!

 

Ne reste plus qu'à espérer qu'on aura pas besoin d'attendre un an de plus pour savourer les aventures épiques du Cercle

 

Nico

 

Edit: Bravo a Wiwi Will pour les paysages nocturnes

 

 

 

 

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Les NAT noyautées par des sociétés secrètes.....

Allons nous devoir constituer une brigade de Gardiens de la Résolution......

Et moi qui n'ai rien vu de tout cela....accueilli par des sourires feints quand derrière bouillonnait le breuvage du diable....

Mais nous avons pris les noms, relevé les empreintes de pas, scanné les pupilles....et l'année prochaine tout rentrera dans l'ordre...!!!!!!!!

 

PS: Quel plaisir de retrouver un Croa comme celui-ci....

Cela me donne presque envie de me remettre à en écrire....

Merci œil Noir...!!!!!

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Nico : Que d'éloges, c'est beaucoup trop mon bon monsieur :p . Ceci dit, merci pour les coups de pelle ;) .

 

Jean-Louis : Je passe sur nos techniques de camouflage futures pour survivre face à tant d'hostilités promises :D , mais je te remercie pour le PS, venant d'un homme de théâtre, capable de faire vivre les mots dans son esprit, je prends ceci comme un compliment et un honneur. 🙏

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Il y a 2 heures, Vesper a dit :

...Joli récit, Mon voisin Totoro ! :)

Merci. Oui un peu de ça 😉. Si tu trouves la référence aux oni-daiko durant le jeu des synonymes : 👍 (rien à voir avec Tonari no Totoro) . 

Modifié par Oeil noir
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Salut M64 !

 

tu nous livres un retour d'importance, dans la verve littéraire qui te caractérise bien. Nous avions pu abuser de ses arômes lors des narrations du Cercle de l'Hyper Rouge ! Cette fois les Néphélées comparses de Bacchus se sont faites discrètes, ouvrant libre le champ de la Voûte Etoilée !

 

Je vois aussi avec plaisir que ce 560 de JM a l'air de bien marcher, NGC 5907 par exemple dedans ne doit pas être un vilain spectacle (bien que cette écharde-là se révèle de façon impressionnante avec la qualité du ciel de montagne, même dans un petit diamètre).

 

Je ne connais pas les raisons de ton détour de l'astro depuis 2016. De mon côté la météo que je juge déplorable particulièrement en 2019 me place aussi en position tangente, pas vraiment d'abandon prévu ni souhaitable mais un fort détachement face à une activité qui ne semble plus praticable que par rares intermittences. Et pourtant, il suffit d'un coup de chance, alignement ciel clair - pas de lune - disponibilité pour que tout reparte dans un bref mais violent feu de joie !

Modifié par etoilesdesecrins
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etoilesdesecrins : Hello! Merci pour ta lecture. 

Concernant NGC5907, je l'ai dessinée depuis mon dobson 300mm (j'interprète peut-être mal le sens ton commentaire ;) ).  Je ne "squatterais" pas un télescope, même ami, pour du dessin ^^, je ne me sentirais pas à l'aise, l'impression d'abuser.

 

Pour mon retrait de l'astro : une conjoncture d'évènements/activités. Un petit en bas âge, un manque de sommeil, un tri à faire dans les activités (nombreuses) créatives ou de développement perso, une spécification dans certains domaines et on réalise que le temps passe et on oublie certaines choses qui nous liaient à l'épanouissement céleste ^^.

 

Le thème de ce CROA est en lien avec mon parcours japonisant de ces trois dernières années par exemple ; ) 

 

 

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Superbes récits que revoilà et qui nous a bien manqué en 2017 et 2018 :wub:

Je ne savais pas pour ta cote... pour l'avoir vécu, je sais à quel point c'est douloureux. Tu as eu beaucoup de courage de venir camper avec cette fêlure. :b:

Ravie de t'avoir recroisé, ainsi qu'Audrey ;) 

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