Chile con estrellas (8) : Finale. Allegro vivace.

Episode précédent : Olé ! Tololo !

Deux rescapés

Après la journée de route, et les visites instructives et édifiantes où l'on a pu approcher un télescope spectrographe de un mètre et le télescope de cinq mètres, et voir fonctionner une coupole, il est temps de retrouver notre observatoire de La Canelilla, avec ses hardis petits instruments totalement dépourvus d'électronique (ou bien, quand il y en a une, elle est hors service).

Daniel a fait le choix d'aller observer en première partie de nuit, après le diner. Il sera seul là-haut, Daoumy ayant choisi un repos récupérateur pour pouvoir pleinement vivre la dernière nuit complète, et le reste de la troupe (Jean-Luc, Xavier et moi) ayant opté pour un peu de sommeil immédiat afin de profiter de la seconde partie de la nuit (la plus belle et la plus « facile » - encore que ce qualificatif soit relatif et discutable, en tout cas très imprécis - en cette saison).

Hop, je me réveille à 1 heure 30. Où suis-je ? Quel est cet endroit ? Ah oui...etc... Daniel est rentré dormir, je ne l'ai pas entendu. Debout, habillé, je retrouve jean-Luc et nous montons la petite colline. Xavier est HS apparemment, on ne le verra pas cette nuit.

Bon, je fais mon installation de nuit, à la faible lueur de ma frontale rouge, que je coupe fréquemment pour sentir la lumière du ciel. Collimation, alignement et c'est parti, pour une « petite » nuitée de 2 à 6. Quand je note ça, de Paris en Décembre, je me dis qu'une « petite » nuitée de 4 heures sous un ciel noir ne serait pas pour me déplaire, ici et maintenant.

Le « résumé » de la nuit tel qu'il est noté dans mon cahier indique « Superbe Eta Carinae. Et les galaxies dans Horologium. Mais pas grand chose sur Pictor et Antlia .»

Voyons ça.

Cette constellation que j'ai déjà évoquée ici n'est pas très visible, coincée entre Dorado et Eridanus. Ce qui rend le pointage des galaxies qu'elle recèle un peu hasardeux. Il faut prendre appui sur des étoiles peu brillantes, avec toujours un doute sur l'exactitude de l'identification. Les vérifications (ou rectifications d'identité) peuvent finalement souvent être faites en analysant les positions relatives des galaxies. En tout cas, en ce qui me concerne. Je sais que Xavier a une approche plus rigoureuse, car il utilise un chercheur et l'Uranométria et identifie bien les groupes d'étoiles repères.

Alors que moi, je me projette sur la zone avec le point rouge, et ensuite j'explore, je scrute, je note mentalement ce que je vois... Puis je regarde sur le PSA (qui n'est d'ailleurs pas/plus assez précis pour des explorations un peu fouillées).

Sur la ligne Alpha-Gamma Doradus qui coupe perpendiculairement le segment Alpha-Iota de Horologium, il y a quatre galaxies côté Sud (NGC1493, 1494, 1433, 1527) et 2 au Nord (1411 et 1448).

NGC1493 est un tache sans hétérogénéité apparente, ni renforcement au centre. Mais dès 100 fois, on discerne, en vision décalée, une idée de structure spirale avec un début de bras.

NGC1494 : Faible, de forme allongée, elle est juste au Sud d'un petit groupe de 3 étoiles.

NGC1433 : Vue légèrement ovale, avec un noyau brillant, un petit triangle d'étoiles la pointe à son Nord.

NGC1527 : Halo brillant et allongé, et un noyau non stellaire.

NGC1411 : Petite et bien ronde, avec un centre légèrement renforcé. Elle se trouve sur la grand côté droit d'un petit triangle rectangle.

NGC1448 : Très jolie, fine et allongée, qui fait penser à une petite

NGC4565. Elle coupe le côté d'un petit triangle équilatéral, qui est lui-même enchâssé, avec un sommet commun, dans un triangle équilatéral plus grand.

Il y a aussi NGC1512, sur le segment Alpha-Iota Horologii (oui, avec deux i), à 2 degrés d'Alpha. Elle est vue de profil, avec un beau halo et un coeur brillant. Elle est comme « entourée » à son Nord par une sorte d'arche de neuf étoiles. Je n'ai pas vu sa petite compagne, NGC1510 (magnitude 13).

Toujours au Sud...

Je me suis ensuite plongé dans l'observation de la région d'Eta Carinae, description sur laquelle je me suis un peu attardé dans un épisode précédent (« freaks »).

Profitant du retour de Centaurus, je vais y chercher quelques objets notés sur mon « programme », notamment NGC3557, qui se repère en fait à partir de Iota Antliae (Antlia, c'est la « machine pneumatique », un des équipements du navire Argo. Lacaille n'était apparemment pas à un anachronisme près). Cette galaxie est brillante, ronde, peu étendue, mais avec un noyau non stellaire évident.

Toutes ces recherches et observations attentives sont bien entendue parsemées de retour aux basiques austraux : Les nuages, les nébuleuses et amas du côté Sud, des objets de Lacaille (je termine le pointage exhaustif de son curieux catalogue, tout en allant réobserver ceux déjà pointés les nuits précédentes).

Jean-Luc est silencieux à son C8, sauf épisodiquement où il commente, sur un bel amas ou une galaxie remarquable. Si je ne suis pas en pleine concentration de recherche, ou en train de scruter en biais un détail galactique, je vais voir à l'oculaire du C8. C'est vrai que cet instrument d'aspect modeste donne de belles images.

Et il faut reconnaître que le fait que la motorisation et le pointage électronique soient à l'Ouest n'est pas pour me déplaire.

Le silence de la nuit nous baigne.

tu as du en prendre plein les mirettes !

Pour moi c'est objets Messier de base mais de ton coté, je ne connaissais aucun des objets sités ca fait palir.

Faut je fasse comme toi, tenir un cahier des observations à jour, ca me facilitera les CROA....

merci pour ce compte rendu

Donc si j'ai tout pigé, c'est le dernier épisode, ça va me manquer ces voyages au pays des merveilles

Quel bilan en tires-tu, nombre d'objets observés nouveaux ou déja vu etc....

L'ensemble de ton oeuvre mériterait d'être récompensé par un prix spécial au top CROA 2008 (s'il y en avait un)

Alors que moi, je me projette sur la zone avec le point rouge, et ensuite j'explore, je scrute, je note mentalement ce que je vois...

Tu te sers d'un "Telrad" pour chercher tes objets ?

Encore une fois merci

... avec ses hardis petits instruments totalement dépourvus d'électronique (ou bien, quand il y en a une, elle est hors service)...

Poilant, ça !!!

-

Encore une belle balade pour le lecteur, mais ...

...Le silence de la nuit nous baigne.

...

Non, y'en a encore un peu qui va venir !

Allez, quoi !!!

Pour moi c'est objets Messier de base mais de ton coté, je ne connaissais aucun des objets sités ca fait palir.

Faut y aller, tranquille. J'ai commencé à regarder le ciel avec un instrument (lunette 80/800) courant 2003, et j'ai pointé mes derniers objets messiers non vus à l'été 2006, soit un peu plus de 3 ans pour ma randonnée messier.

Faut je fasse comme toi, tenir un cahier des observations à jour

Je pense que c'est effectivement une excellente chose de noter ses observations, même indépendamment des CROAs, ça aide à mieux observer, et à y prendre plus de plaisir.

Donc si j'ai tout pigé, c'est le dernier épisode,

...mais il n'est pas terminé...

Quel bilan en tires-tu, nombre d'objets observés nouveaux ou déja vu etc....

Pour le "bilan", faudra ensuite que je relise les CROAs namibiens, avec un stylo attentif...

Tu te sers d'un "Telrad" pour chercher tes objets ?

D'un Qwikfinder, ça ressemble.

mais ...

... ça fini comme ça ?!

...

Non, non, cet épisode n'est pas fini...Il reste une nuit complète (de dimanche 2 au lundi 3).

Et puis la fin, tous les objets notés dans mon cahier et zappés à la rédaction(je ne sais pas encore si je vais rédiger ça, c'est le b... dans mes notes...plus les notes vocales au dictaphone que je n'ai pas toutes retranscrites ).

Et puis peut-être je voudrais causer un peu des objets du catalogue de Lacaille,...

The last and final night is ours.

Dimanche soir, nous sommes tous là pour la dernière vraie nuit, complète. Le retour vers la doulce France est en effet prévu Mardi, avec un vol de Santiago vers Paris vers 17 heures, ce qui suppose un départ très matinal de La Canelilla. Il faut en effet rejoindre en 4X4 la ville d'Ovalle, pour prendre le bus qui, longeant le Pacifique, nous posera au terminal routier de Santiago. De là, un taxi minibus prévenu par Raymond nous récupérera, avec nos valises et autres tuyaux, pour nous expédier à l'aéroport.

La nuit de Lundi à Mardi sera donc brève, et avec TDA en ce qui me concerne car je souhaite mettre le flying dobson en valise calmement, et en plein jour, donc lundi. Cela me donnera l'occasion de tester en situation le Lightbridge 300, pour la dernière courte nuit.

La Lune est là, superbe et stable. En ces contrées proches du tropique, la Lune monte vite sur l'horizon avec la croissance de sa phase, et quelques jours seulement après la Nouvelle, elle inonde totalement le site de sa brume lumineuse. J'en profite pour observer l'occultation d'une petite étoile par le bord non éclairé. Et pour observer un peu quelques cratères. Je trouve l'image assez belle, la turbulence est modérée (Xavier la trouve un peu forte), mais je ne suis pas dans le mood d'une observation lunaire (pas ici, au Chili !), je n'ai pas de carte et n'ai rien préparé pour elle. Je passe donc vite à des amas possibles, en attendant sa chute derrière l'horizon. Non sans avoir jeté un oeil sur Jupiter, avec la Grande Tache Rouge au méridien. Et quelques détails dans les bandes nuageuses, mais rien de mémorable comme il y a quelques jours.

Premières constatations : Le bafflage de fortune de mon dobson est insuffisant, la Lune génère des reflets un peu partout. Et les quelques amas que je pointe sont pâlis par ce maudit satellite.

Le globulaire NGC6397, dans Ara, est décidément trop affaibli par la Lune. Je m'éloigne...

Dans la constellation Norma (la règle de charpentier, un nom trouvé par Lacaille, bien sûr ), un petit quadrilatère au Sud Ouest de la queue du Scorpion, voilà NGC6067, au Sud du côté Epsilon – Gamma (1 et 2) : Pas mal du tout, riche et concentré, avec des étoiles colorées. Par contre, à un degré au Sud Est, Collinder299 est un amas ouvert un peu lâche, et pas très intéressant.

NGC6087, en continuant d'aller vers le Sud, est un amas irrégulier, assez étendu (une vingtaine de minutes). Au centre, 6 étoiles (dont 4 d'un beau doré) en forme de point d'interrogation.

En remontant vers le sommet Sud de la constellation, entre NGC6067 et Gamma 1 et 2 Normae, j'examine aux jumelles (15X70) 4 « taches » nébuleuses, RCW 102, 104, 103 et 106. Peu impressionnant, mais curieux, et d'une certaine esthétique discrète dans le grand champ que procure les jumelles.

Et, toujours aux jumelles, deux autres amas, NGC6134 (riche) et NGC6167 (pauvre et irrégulier) qui commencent à être bas sur l'horizon, et dans une zone un peu trop éclairée par la Lune à mon goût.

J'arrive aussi à trouver le couple de galaxies NGC7041 – 7049 dans Indus, visibles malgré la Lune, mais sans plus. 2 taches sans détails.

Un petit passage sur les TDAs, échanges et discussions. Xavier, imperturbable malgré la Lune, pointe, observe et dessine. Daniel cherche toujours à voir de beaux amas brillants dans le 350...

Je décide d'aller dormir sous la coupole, en attendant la disparition de la Lune. Sa présence est totalement incompatible avec l'observation des galaxies. On a beau le savoir, on essaie toujours...

23 heures 45, hop...La lune est couchée, je suis réveillé, en forme...Il fait doux.

NGC7205, dans Tucana (entre Alpha Tucanae et Delta Indi) Un coeur brillant non stellaire, dans un halo faible et relativement étendu. Semble être vue de dessus avec à peine devinée, comme une structure spirale.

NGC7083 (Indus) : A l'Est d'un petit triangle rectangle, une forme un peu allongée, pas de centre discernable, un halo réduit mais lumineux.

NGC1512 (Horologium) : Déjà vue. Mais ce coup- ci, je trouve NGC1510, la petite compagne au Sud Ouest visible dès 75 fois, mais mieux vue à 100 fois. A 4 à 5 ' de distance

NGC1300 (Eridanus) : Des bras et une structure spirale barrée évidente.

NGC2467 (Puppis) : Nébuleuse (qui a pour autre nom, Gum 9) ovale, logée dans un riche champ d'étoiles, avec la meilleure vue à 100 fois, avec le filtre OIII.

NGC2196 (Canis Major) : Coeur non stellaire, brillant. Un début de bras sur la partie Nord, et une zone sombre

NGC2139 (Lepus) : Un coeur étendu, pas de halo perçu, . La galaxie est coincée dans un triangle à base très étroite au Nord. On perçoit deux étoiles en transparence légèrement au Nord du Coeur. En grossissement 200 fois, des irrégularités dans la structure deviennent perceptible, au Nord.

NGC2663 (Pyxis) : Toute petite. A vrai dire, je ne discerne pas grand chose de la galaxie, mais je voulais vérifier aussi que je pointais au bon endroit dans cette maigre constellation.

NGC2997 (Antlia) : Recherche laborieuse, du fait de l'identification malaisée de cette « machine pneumatique ». A 100 fois, cette galaxie vue de trois-quart face dévoile, en limite de vision directe, des bras spiraux. Elle est étendue avec une zone centrale réduite et brillante.

Carina : La nébuleuse planétaire IC2448 se trouve au tout proche Sud Ouest de Béta Carinae (Miaplacidus). Ronde et uniforme, de couleur turquoise, elle ne laisse pas voir son étoile centrale, mais est bien jolie tout de même.

Et littéralement collée à l'étoile Béta (le syndrome NGC404), un tout petit trait un peu flou que l'on discerne à 200 fois, en sortant l'étoile du champ, c'est NGC2822. Une fois vue à 200 fois, on parvient à la voir dès 100 fois...

Comme les nuits précédentes, et en apothéose de ce séjour finissant, une balade ébahie, longue et toujours recommencée, dans les champs d'amas et de nébuleuses des constellations nautiques autour de la Carène, conclut lentement mon exploration céleste. Une façon d'arrêter le temps, et de fixer dans ma mémoire des bouts d 'éternité lumineuse.

Avec la conviction rassurante que je reviendrai un jour ou l'autre sous ce ciel qui devient peu à peu familier, mais qui est toujours radicalement neuf.

Prochain épisode : Back in the USSR