Improvisation pour Mak et achro

Bonjour à tous,

j'étais récemment dans ma maison de famille à Laborel, aux confins de la Drôme provençale, pour profiter du ciel dégagé (ou pas) et propre des Alpes méridionales.

Ayant renoncé à commencer la photo CP maintenant (mais ça ne saurait tarder), j'ai laissé la 80ED à Paris, n'emportant que ma modeste caillasse et un filtre solaire perso (confectionné à l'aide d'Astrosolar quand même ).

Ce CROA est l'histoire d'une soirée à moitié improvisée avec un but : faire découvrir les différentes facettes du ciel profond à des profanes.

Prologue

Dimanche 17, c'est la brocante au village, j'en profite pour poser ma lunette achromatique de 80/400 et le filtre pour une observation solaire offerte au public : les taches sont bien visibles, les meilleurs montages oculaires rendent les facules évidentes. Vu le sphérochromatisme énorme de mon achro je ne m'attends pas à voir quelque détail supplémentaire, mais le Plössl 25 mm powermaté les suggère furtivement.

Cette petite sortie diurne a été pour moi l'occasion d'une publicité discrète, et j'ai invité les personnes intéressées à venir observer le ciel après le dîner festif sur une plateforme assez dégagée et relativement protégée de la pollution lumineuse du village.

Installation

Je ne sais pas ce qui m'a donné l'idée de monter la petite achro de 80 aux côtés de l'imposant Mak180, mais en la réservant aux grands champs avec un Plössl de 25 mm elle s'avère compléter merveilleusement le Mak au champ si étriqué

Parti comme une fusée après le dessert, je monte à la plateforme avec la 80/400 au bras (j'avais monté les 30 kg de Mak + SVP + cailloux + contrepoids avant dîner) et fais la mise en station des deux instruments et l'alignement des chercheurs (je sais ça se fait de jour mais je n'ai pas eu le temps).

Observation

Mise en route

Un quart d'heure plus tard, le "public" a commencé à arriver. Redescendu à la maison de famille après les derniers réglages, je prends en charge un premier groupe pour leur éviter de monter avec des lampes blanches et passer, pour ceux qui le peuvent, en lampe rouge.

Arrivés sur la plateforme, emplacement d'une ancienne maison du vieux village arasée par l'érosion et, peut-être, la réutilisation des pierres, je commence à présenter les instruments et les différentes constellations du ciel. Je démarre ensuite un programme d'observation basée sur l'évolution des étoiles. Ai-je plus illustré mes propos, brièvement retranscrits ici, avec mes instruments ou légendé les images visibles aux instruments avec mon discours, je l'ignore

La naissance des étoiles à partir des nébuleuses, au sein de la Voie lactée

La Voie lactée, que l'on voit à l'œil nu comme une tache laiteuse, est en réalité constituée de plein d'étoiles faibles et très rapprochées, comme vous pouvez le voir grossie 16 fois dans la petite lunette où j'ai pointé le nuage d'étoiles Messier 24, que vous pouvez voir à l'œil nu comme une nodosité bien brillante de la Voie lactée.

 

Mais la Voie lactée contient aussi des nébuleuses, nuages de gaz et de poussières réfléchissant ou réémettant de la lumière, mais aussi l'absorbant. Voyez la séparation entre le Cygne et le Sagittaire, ce sont en réalité des nuages de poussière qui absorbent la lumière des étoiles en arrière-plan d'où le fait qu'ils soient sombres. Dans le gros télescope, vous pouvez voir Messier 17 grossie 84 fois. La partie sombre que vous repérez à côté de la partie la plus brillante est une nébuleuse obscure dans laquelle se forment peut-être des étoiles.

La nébuleuse ne présente aucune couleur, mais les nuances de luminosité sont bien perceptibles, et la forme de homard est plus qu'évidente et assez grande pour le public présent, moyenne d'âge de 60 ans sauf quelques enfants qui viennent juste de nous rejoindre. Nous sommes à présent peut-être une douzaine dont un chien.

Quand tout le monde a observé M24, je descends l'achro de 80 pour pointer Messier 8, Messier 20 et Messier 21 dans le même champ. J'en profite pour montrer où se trouve M8, car la nébuleuse est faiblement visible à l'œil nu sous forme d'un trait horizontal dans la Voie lactée. Puis je retourne au Mak pour pointer M20, qui révèle au Plössl 32 sa structure tridfide si connue mais si ténue. Peu dans le public parviennent à percevoir les filets obscurs qui séparent les trois lobes

La jeunesse des étoiles, dans les amas stellaires

Lorsque les étoiles naissent au sein des nébuleuses, les plus lumineuses finissent par souffler les nuages de gaz et de poussière, et les jeunes étoiles restent liées entre elles pendant un certain temps, c'est ce qu'on appelle un amas ouvert, comme vous l'avez constaté dans M8 et M21.

 

Voyez la tache laiteuse entre Cassiopée et Persée, au nord-est, je vais vous montrer en quoi elle consiste avec la petite lunette : le double amas de Persée.

Émerveillement de tous ceux qui passent à l'oculaire, pendant ce temps je pointe Messier 11 au Mak et mets l'Hypérion 17 pour mieux présenter ce magnifique amas dans le champ d'étoiles environnant, à 158x.

Les étoiles doubles

Les étoiles trouvant une à une leur chemin dans la Voie lactée, certaines sont seules alors que d'autres sont en couple, voire à plusieurs.

Je choisis de tourner la 80 vers Albiréo tandis que je tourne le Mak vers Epsilon Lyræ. Pour mieux mettre en évidence tout ce petit monde (le public n'est pas tout jeune, je rappelle), je powermate mon Plössl 25 sur la 80 et je mets une allonge à l'Hypérion 17 mm pour qu'il grossisse à 207x.

La mort des étoiles

Que se passe-t-il lorsqu'une étoile meurt ? Cela dépend de sa masse. Les étoiles de la masse de notre Soleil expulsent lentement mais sûrement leurs couches extérieures, formant une nébuleuse planétaire, tandis que les plus massives finissent leur vie dans une explosion cataclysmique qu'on appelle supernova. Je vais vous montrer à quoi ressemble une nébuleuse planétaire, Messier 57 dans la constellation de la Lyre au gros télescope.

Je pointe assez facilement la région de M57, quelque part entre Sheliak et Sulafat, avec le chercheur de 50 avant de terminer le centrage au Mak, puis présente M57 à 207x dans l'Hypérion 13. La partie centrale ténue présente une couleur bleutée perceptible avec un peu d'attention (et surtout beaucoup de photos au préalable ).

Pour ce qui est des restes de supernova, il y a bien les Dentelles du Cygne mais je les ai réservées pour plus tard, vu l'extrême difficulté à les visualiser dans une lunette de 80 sans filtre à nébuleuses.

Amas globulaires

Avec un télescope de 180, difficile d'éviter les amas globulaires dans le ciel d'été, car bon nombre de Messier sont résolubles à ce diamètre.

Il existe d'autres amas qui ne sont pas dans le disque de la Voie lactée et présentent une forme ronde : les amas globulaires. Je vais commencer par vous présenter un des plus proches du Système solaire, Messier 22, dans la constellation du Sagittaire.

Le Mak180 pointé sur M22, je décide d'occuper ceux qui attendent avec l'amas d'Alpha Persei à la lunette de 80, qui rentre dans le Plössl 32 mm, libéré par l'utilisation de l'Hypérion sans bague à 17 mm pour visualiser M22. C'est un amas ouvert, mais avec sa magnitude limite de 12 en poussant le grossissement, la 80 n'est d'aucun intérêt autre qu'historique pour les gloglos. Mais déjà les plus fatigués et ceux qui ont de la route à faire s'en vont.

Galaxies

Je finis la soirée en sortant de la Galaxie pour entrer dans le monde des tachouilles. La 80 pointe désormais Messier 31 avec la satellite Messier 32 bien reconnaissable au nord-est, mais Messier 110 reste bien stellaire au 25 mm, si bien que le jeu consiste à repérer M32

J'oriente le 180 sur Messier 51, qui, à 84x, révèle bien ses deux composantes A et B, et laisse deviner la structure spirale des bras sans qu'elle soit bien définie. De toute beauté, bien que la galaxie soit basse au-dessus de l'horizon Les participants ont bien vu la tachouille, mais peu ont deviné la structure en forme de tourbillon

Épilogue

Il commence à se faire très tard, peut-être une heure du matin, quand ne restent plus que moi et un ancien astram qui m'a dit être doté d'un Newton de 150 sur SP. Je décide de lui montrer quelques objets plus difficiles, comme Messier 33 qui ne rentre pas dans le 180 et n'apparaît que comme une tachouille dans la 80 à 16x. Ensuite, retour au Mak que je braque sur Messier 13, superbement résolu à 158x.

Après quelques autres curiosités, tels Messier 27, les Dentelles du Cygne (que j'ai eu un mal fou à pointer dans tout ce bazar stellaire qu'est le Cygne ), NGC 457, NGC 664, AR Cas (septuple dont 5 composantes sont facilement résolubles, je reviendrai dessus un de ces jours) et la jolie triple Iota Cas, nous repointons une dernière fois l'amas double de Persée. Ensuite, je lâche l'axe en déclinaison, remonte un peu...

...une tache ronde et floue apparaît, assez brillante à la 80, à peu près l'ascension droite de l'amas double mais 8° plus proche du pôle nord céleste. J'ai cherché sur ma carte, rien qui puisse donner une telle forme, ni l'amas NGC 1027 ni IC 1805 ni la nébuleuse autour qui doit être trop faible pour rendre une tache pareille. De loin je penserais à un amas globulaire mais Cassiopée n'est pas une constellation à gloglos. Une comète alors

2 heures du matin. Le matos a commencé à prendre la rosée, de la buée s'est formée sur l'objectif de la lunette, et nous finissons par piquer du nez...

c'est parti pour le démontage du Mak et l'empaquetage du tube, je confie la 80/400 sur son EQ1 à mon compagnon de fortune et me fais charger le reste sur mon dos, redescente à la maison et dodo.

Je suis assez fier d'avoir à moitié improvisé une telle soirée, et j'ai découvert l'intérêt d'utiliser deux télescopes pour occuper le public, à condition d'en avoir un avec suivi automatique.

Bonjour Qorche

Voilà une soirée (et journée) public mennée tambour battant

j'ai découvert l'intérêt d'utiliser deux télescopes est très intéressant pour occuper le public, à condition d'en avoir un avec suivi automatique.

C'est certain, car s'il faut recentrer à chaque instant les objets dans deux tubes, ça devient galère

Merci pour ce récit passionnant

Bonjour Qorche !

Merci à toi pour ce Croa, et tous ces détails observationnels...

Merci pour le partage !

J'ai pris un grand plaisir à lire ton Croa:D.

Je te souhaite un bon ciel !

A plus;) !

Philippe.

C'est certain, car s'il faut recentrer à chaque instant les objets dans deux tubes, ça devient galère

Je ne suis pas bon jongleur

Et j'ai effectivement observé la comète C/2014 E2 (Jacques) qui est actuellement dans la constellation de Cassiopée !

Bonsoir,

Ton CROA est un formidable périple initiatique sur la vie des étoiles .

Merci pour le partage et pour dynamiser mes intentions de faire bouffer du ciel sombre à ma SW 80/400 .

A chaud, aucune idée sur ton invité mystère

Bien chanceux, tes spectateurs de fortune .

Superbe !

Je serais bien incapable d'organiser une telle soirée ! En plus ce "double" CROA lulu - Mak permet de voir les différences entre les 2 instruments.

Par contre, dans ton récit on ne sent pas trop l'aspect exceptionnel des ciels de là-bas ...Pourtant ça devrait te frapper par rapport à Paris non ?

J'observe aussi quelque fois entre Sisteron et Gap et j'ai du mal à trouver les mots tellement la différence est flagrante avec mon site habituel des Monts du Lyonnais, pourtant sans lumière parasite !