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Candide et le physicien


Jeff Hawke

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Présentation générale

 

http://www.asmp.fr/travaux/a_lire/080602_espagnat.htm

 

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On a souvent tort de se faire trop vite une idée sur quelque chose… J’avais lu 4 livres, sérieux et épais pour certains, de Bernard d’Espagnat (A la recherche du réel, Regards sur la matière, Le réel voilé, Traité de physique et de philosophie), et n’avais fait que jeté un œil un peu distant sur son dernier opus, de 2008, Candide et le physicien

 

Présenté clairement par son auteur (ses auteurs devrais-je préciser, car il s’agit d’un dialogue entre d’Espagnat et le « candide » Claude Saliceti, médecin et philosophe) comme se voulant accessible au profane, ce qu’on appelle souvent vulgarisation, le bouquin ne me semblait pas devoir m’apprendre beaucoup, non pas sur la physique bien sûr !, mais sur les conceptions et thèses de Bernard d’Espagnat largement développés dans ses précédents ouvrages qui, eux, ne sont pas vraiment de la vulgarisation facile d’accès. :refl:

 

Et puis finalement, une réflexion de Lejon (sur le fil Vitesse de la lumière) sur l’absence ou la rareté d’une vulgarisation de qualité, qui soit exigeante sans être abrupte d’accès, je me suis décidé à l’aller chercher sur le catalogue en ligne des bibliothèques de la Ville de Paris, pour le localiser et aller l’emprunter. Seules deux bibliothèques (sur les 58 dont dispose la capitale) le possèdent, mais comme ce genre d‘ouvrages ne fait pas l’objet de demandes intensives d’emprunt, aux deux endroits il se trouvait en rayon. L’occasion donc d’aller faire un tour du côté du 5ème arrondissement, dans un quartier plaisant à la déambulation citadine. :cool:

 

Bien m’en a pris, ce livre est une excellente surprise, une exposition claire, précise, de lecture agréable, qui ne cède jamais aux à-peu-près et à l’absence de rigueur. L’avant-propos prévient des choix rédactionnels et explicatifs faits, pour préserver le propos d’un excès de lourdeur, tout en évitant l’écueil du manque de démonstrations convaincantes. Les personnes "soucieuses de rigueur" pouvant toujours aller aux vérifications et "éléments de discussion" dans les autres ouvrages, et notamment au Traité de physique et de philosophie (désigné par TPP dans la suite du livre).

 

Le dialogue se déploie le long de 50 questions, regroupées selon une progression en 4 parties d’inégale importance en taille, 1 les ruptures entre physique classique et physique quantique, 2 l’évolution des notions d’objectivité, de déterminisme, d’espace et de temps, 3 l’influence sur les débats philosophiques concernant la connaissance, la conscience et la liberté de l’observateur et la relation entre science et ontologie, et 4 la plausibilité d’une ontologie autre que le matérialisme. Cette quatrième partie (questions 46 à 50) traite plus spécifiquement des convictions intimes de l’auteur sur ce sujet, mais elle est argumentée sur la base des points développés dans les 3 parties précédentes.

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Présentation générale

 

On a souvent tort de se faire trop vite une idée sur quelque chose… J’avais lu 4 livres, sérieux et épais pour certains, de Bernard d’Espagnat (A la recherche du réel, Regards sur la matière, Le réel voilé, Traité de physique et de philosophie), et n’avais fait que jeté un œil un peu distant sur son dernier opus, de 2008, Candide et le physicien

 

Présenté clairement par son auteur (ses auteurs devrais-je préciser, car il s’agit d’un dialogue entre d’Espagnat et le « candide » Claude Saliceti, médecin et philosophe) comme se voulant accessible au profane, ce qu’on appelle souvent vulgarisation, le bouquin ne me semblait pas devoir m’apprendre beaucoup, non pas sur la physique bien sûr !, mais sur les conceptions et thèses de Bernard d’Espagnat largement développés dans ses précédents ouvrages qui, eux, ne sont pas vraiment de la vulgarisation facile d’accès. :refl:

 

Et puis finalement, une réflexion de Lejon (sur le fil Vitesse de la lumière) sur l’absence ou la rareté d’une vulgarisation de qualité, qui soit exigeante sans être abrupte d’accès, je me suis décidé à l’aller chercher sur le catalogue en ligne des bibliothèques de la Ville de Paris, pour le localiser et aller l’emprunter. Seules deux bibliothèques (sur les 58 dont dispose la capitale) le possèdent, mais comme ce genre d‘ouvrages ne fait pas l’objet de demandes intensives d’emprunt, aux deux endroits il se trouvait en rayon. L’occasion donc d’aller faire un tour du côté du 5ème arrondissement, dans un quartier plaisant à la déambulation citadine. :cool:

 

Bien m’en a pris, ce livre est une excellente surprise, une exposition claire, précise, de lecture agréable, qui ne cède jamais aux à-peu-près et à l’absence de rigueur. L’avant-propos prévient des choix rédactionnels et explicatifs faits, pour préserver le propos d’un excès de lourdeur, tout en évitant l’écueil du manque de démonstrations convaincantes. Les personnes "soucieuses de rigueur" pouvant toujours aller aux vérifications et "éléments de discussion" dans les autres ouvrages, et notamment au Traité de physique et de philosophie (désigné par TPP dans la suite du livre).

 

Le dialogue se déploie le long de 50 questions, regroupées selon une progression en 4 parties d’inégale importance en taille, 1 les ruptures entre physique classique et physique quantique, 2 l’évolution des notions d’objectivité, de déterminisme, d’espace et de temps, 3 l’influence sur les débats philosophiques concernant la connaissance, la conscience et la liberté de l’observateur et la relation entre science et ontologie, et 4 la plausibilité d’une ontologie autre que le matérialisme. Cette quatrième partie (questions 46 à 50) traite plus spécifiquement des convictions intimes de l’auteur sur ce sujet, mais elle est argumentée sur la base des points développés dans les 3 parties précédentes.

 

J'avais feuilleté "Candide et le physicien" chez mon libraire, et ne l'avais pas acheté, me disant que ce livre ne m'apprendrait pas grand-chose. Je regrette ma décision après avoir lu cette critique élogieuse...

En plus de "A la recherche du réel", "Regards sur la matière", "Le réel voilé", "Traité de physique et de philosophie", j'ai dans ma bibliothèque "Physique et réalité", "Une incertaine réalité", "Un atome de sagesse", et surtout "Conceptions de la physique contemporaine", qui est la première oeuvre «grand public» de Bernard d'Espagnat (Hermann, 1965). Cet ouvrage est très intéressant car (sauf erreur de ma part) c'est le premier livre où un grand physicien français aborde la question de la non-localité ou non-séparabilité, et cela permet aussi de voir tout le chemin parcouru depuis. Le livre est en deux parties, et dans la première il y a un paragraphe I.5 sur «Le paradoxe d'Einstein, Podolsky et Rosen» (pages 42 à 50), qui ne parle pas explicitement des inégalités de Bell (publiées depuis peu) et se contente d'une note en bas de page «Voir aussi J. S. Bell», laquelle permet de trouver en bibliographie «J. S. Bell, Physics, I, 195 (1964)», référence de l'article où Bell a présenté pour la première fois ses inégalités. Dans ce paragraphe, d'Espagnat se contente d'explorer le paradoxe EPR dans la version proposée pas David Bohm en 1951, où le spin remplace le couple position/moment, et formule cette sorte de conclusion :

 

« La seule solution jusqu'ici proposée au paradoxe d'Einstein, Podolsky et Rosen qui n'entraîne pas de modifications observables de la mécanique quantique est néanmoins de tenir pour vrai que – dans un sens qui à cet égard n'est autre que celui de Bohr mais qui n'implique pas nécessairement une adhésion à toute la philosophie de cet auteur – la réalité physique est parfois non-séparable, fut-ce seulement par la pensée, et que ceci peut même se produire dans des cas où l'on imaginerait naïvement qu'elle se compose de deux ou plusieurs parties complètement indépendantes les unes des autres.»

 

Cette longue phrase (typique du style de d'Espagnat) se caractérise à le fois par sa timidité et sa prescience. Timidité : d'Espagnat ne s'est pas encore rendu compte que la vérification expérimentale de la violation des inégalités de Bell dépasse largement le cadre de la théorie quantique, et est en fait une preuve directe de la non-localité de l'univers (maintenant bien sûr d'Espagnat en est parfaitement conscient, voir "Traité de physique et de philosophie", page 78). Prescience : à l'exception peut-être d'Olivier Costa de Beauregard, aucun autre physicien français n'a énoncé avant lui la non-séparabilité de de la réalité physique (à moins bien sûr que ma connaissance présente de sérieuses lacunes).

Modifié par Dodgson
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et surtout "Conceptions de la physique contemporaine", qui est la première oeuvre «grand public» de Bernard d'Espagnat (Hermann, 1965). Cet ouvrage est très intéressant car (sauf erreur de ma part) c'est le premier livre où un grand physicien français aborde la question de la non-localité ou non-séparabilité, et cela permet aussi de voir tout le chemin parcouru depuis.

 

Dommage que ce livre ne semble plus tellement disponible (pas en bibliothèque, et épuisé chez l'éditeur). Peut-être chercher côté occazes.

 

Prescience : à l'exception peut-être d'Olivier Costa de Beauregard, aucun autre physicien français n'a énoncé avant lui la non-séparabilité de de la réalité physique (à moins bien sûr que ma connaissance présente de sérieuses lacunes).

 

Ce qui est étonnant, finalement, c'est qu'il me semble bien que les implications non locales du paradoxe EPR avaient été vues par Einstein (qui les refusait, bien sûr) et Bohr...Et par David Böhm dès les années 50, sa théorie basée sur les ondes-guides de Broglie étant clairement non locale.

 

Ce qui est clair, c'est que d'Espagnat a joué un rôle fondamental dans la réintroduction des questions philosophiques dans la physique moderne, seule façon de faire vraiment avancer les choses en matière de connaissance (*), comme on l'a vu.

 

Sans lui, peut-être que les expériences d'Aspect n'auraient jamais été montées, ou alors plus tardivement.

 

 

(*) ou du moins de donner un contenu et une signification humains à l'accumulation brute des faits scientifiques.

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Questions 1 à 3 (pp 17-37) : Les ruptures.

 

Petit galop d’échauffement avec ces premières questions de Candide, qui permettent à Bernard d’Espagnat d’introduire les relativités et la physique quantique à partir des craquements de l’espace-temps, du rayonnement et la matière, en montrant bien la différence de nature entre la rupture relativiste et la rupture quantique.

 

 

Questions 4 à 12 (pp 37-104) : Notions d’objets et d’objectivité.

 

Là, on entre dans le dur, avec l’attaque sur les notions de séparabilité, localité, et la remise en cause de l’indépendance du monde observé par rapport à l’observateur. Cette partie se concentre bien évidemment sur le théorème de Bell, et sa vérification expérimentale. Les explications d’Espagnat sont claires et sans ambiguïté pour qui pourrait encore en douter : « L’objectivité en physique ne peut plus reposer sur la notion d’objet ni sur celle d’une réalité indépendante assimilée à une multiplicité d’objets » (p 97). Même si la physique quantique est un jour remplacée par une théorie plus générale, « la réfutation du réalisme local due à la violation des inégalités de Bell subsistera. » (p 101).

 

Candide s’inquiète de savoir si ce résultat n’est pas limité à une interprétation dans le cadre quantique, et clairement, la réponse est non, et le raisonnement argumenté qui en apporte la preuve est donné en appendice.

 

En réponse à la question 12, d’Espagnat propose des éléments d’explication à la raison pour laquelle ce résultat « d’une portée philosophique considérable » est si peu exposé dans les ouvrages même récents.

 

En gros, d’une part les physiciens ont globalement leur attention très focalisée sur les aspects techniques, et ils ont tendance à négliger les préoccupations philosophiques. Et d’autre part, c’est un résultat qui leur parait acquis depuis déjà longtemps (le formalisme de la MQ est non local), et la réfutation du réalisme local serait quasiment intériorisée chez eux… sans qu’ils mesurent toujours bien le caractère indépendant de toute théorie présente ou future de cette non-localité (pp 103-104).

 

Mais avant d’arriver à ces conclusions radicales et déconcertantes, il y a un assez long développement sur le réalisme objectiviste (réfuté), les notions de réalité en soi et de réalité empirique (pour nous), avec en particulier un questionnement autour de la fameuse question de l’existence de la Lune quand on ne l’observe pas (question 6, pp 60 – 71) dont les éléments de réponse persistent à être extrêmement surprenants.

 

L’affirmation que cette Lune existerait hors de l’observation « n’a que la consistance – toute relative ! – dont jouit l’affirmation de l’existence « réelle » des arcs en ciel. » (p 71)

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Questions 13 à 20, sur le déterminisme et l'indéterminisme (pp 105 - 146).

 

Des précisions nécessaires sur les définitions de déterminisme et indéterminisme, qui sont en fait liées aux objectifs assignés à la physique, de description ou de prédiction, ces huit questions permettent d’aborder plus en profondeur les aspects épistémologiques pour préparer la partie suivante, fondamentale, sur la connaissance.

 

D’un exposé de la théorie de Böhm (l'onde guide), d’Espagnat précise en conclusion de la question 13, (p 116), que, si on peut réfuter clairement le réalisme local, on ne peut rejeter aussi clairement le déterminisme. Les théories déterministes, comme celle de Böhm, posent certes de graves problèmes, mais on n'a pas de preuve formelle contre. (Note à ArthurDent : Cela laisse une chance à Gérard ’t Hooft pour sauver la déterminisme, mais pas la localité ;)).

 

La question 14 donne lieu à une présentation extrêmement claire du principe de « superposition d’états » (p 120 et suivantes), qui précise bien la notion de hasard quantique « intimement lié à la mesure ».

 

La question 18 porte sur la distinction fondamentale entre indéterminisme quantique et indéterminisme de la physique du chaos (p 132)

 

Cette partie s’achève sur une réflexion concernant le libre-arbitre, sur la nature duquel il n’est certes pas attendu d’éclaircissement de la part de la physique quantique, mais où on peut noter que les développements cette dernière « paraissent lever les perplexités conceptuelles que la physique classique avait fait naitre à son sujet. » (p 146)

 

 

Questions 21 à 25, sur l'espace-temps (pp 146 - 166)

 

Toujours plus avant dans cet itinéraire captivant au seuil de l’étrangeté, les cinq questions suivantes s’attaquent à nos représentations du temps et de l’espace, en examinant comment la physique moderne est en train de les bouleverser…

 

Question 21, de l'espace-temps comme cadre fixe dans le monde classique à la dépendance à ses contenus qu’il acquiert dans la Relativité...

 

Question 22, de l’objectivité faible ou forte de la Relativité Restreinte. La discussion, qui permet de conclure à son objectivité forte, permet de montrer l’objectivité faible, par opposition, de la physique quantique, qui est aussi qualifiée d’intersubjective. Et de questionner le statut de l’espace–temps au regard de cette objectivité faible, en le rapprochant du statut qu’il avait dans la philosophie de Kant (une catégorie de notre intuition a priori). Cela dit, on ne peut encore apporter de réponse complète et sûre à ce questionnement tant que l’on n’a pas construit une théorie quantique de la gravitation.

 

La question 23 étend la réflexion au temps cosmique, et force est de devoir admettre qu’il n’y a aucune raison de considérer cette réalité "cosmique" de l’espace–temps différemment, comme existant « en soi », et que là encore, il est « raisonnable » de considérer le temps cosmique « comme étant l’un des éléments qui nous permettent d’organiser notre expérience intersubjective. » (PP 154-155).

 

La question suivante traite de notre temps intérieur, notre temps vécu, et là, d’Espagnat emprunte à Bergson, avec beaucoup de prudence cependant, l’idée que cette perception, liée à nos états de conscience internes, a sans doute plus à voir avec le Réel « en soi », qu’avec la réalité empirique où règne le temps (apparent ?) de la physique.

 

Proust est convoqué à titre d’illustration du propos, en une analyse brève et saisissante d'un court extrait (Avis personnel à ce sujet : Il FAUT lire Proust. :rolleyes:).

 

Nous nous sommes éloignés de la physique quantique ? Pas du tout. Comme Proust, mais par un autre cheminement, nous avons été amenés à contester toute réalité-en-soi à « une distance, une durée ou quoi que ce soit d’autre ».

 

"...le seul réel "en-soi" dont la notion soit compatible avec les faits maintenant connus est rebelle à toute représentation le peignant en termes d'entités pouvant chacune être pensée indépendamment de la totalité des autres." (p 166).

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Questions 26 à 39, incidences des ruptures sur les débats philosophiques concernant la portée de la connaissance (pp 166 - 232)

 

Assurément, voilà une partie essentielle de l’ouvrage, qu’il serait vain, prétentieux et illusoire d’entendre résumer en un bref post. Les 14 questions qui pilotent la discussion visent à l’éclaircissement sur ce que nous pouvons connaitre de la « réalité », et tentent d’apporter des précisions sur ce que la science peut faire pour nous en ce domaine.

 

Ces questions que je liste sommairement ci-après, parlent sur l’ambition du propos.

 

26 La physique n'est-elle qu'un jeu de règles prédictives, d'observation, et de mesures ?

 

27 Pourquoi se poser la question d'une réalité indépendante de nous ?

 

28 Arguments de Bernard d’Espagnat pour postuler une réalité en soi, distincte de la réalité pour nous.

 

29 Sur le statut des phénomènes de la réalité empirique : Quelle est leur part "indépendante", et leur part dépendant de notre entendement ?

 

30 La réalité empirique peut-elle nous donner un accès, même indirect, à la réalité en soi, ou bien est-elle celle de Kant, une pure construction de nos sens et de notre entendement ?

 

31 Les maths comme un des moyens d'accès à la réalité indépendante (le réel en soi) ?

 

32 Quels arguments pour rejeter des interprétations réalistes existantes de la MQ ?

 

33 Les résultats expérimentaux récents (inséparabilité, décohérence), suffisent-ils à établir le réalisme d'Espagnat (l’hypothèse du « réel voilé ») ?

 

34 Quid de théories comme celle de 'la mer de Dirac', les cordes, le Big Bang ? Nous offrent-elles des éléments de descriptions, même très partiels, sur la réalité en soi ?

 

35 Quid des constantes fondamentales de la physique, aux valeurs apparemment arbitraires, dont dépend notre existence ?

 

36 Comment expliquer la fécondité expérimentale et pratique de notions (particules, champs) qui sont des constructions de notre entendement ?

 

37 Cette réalité indépendante l'est-elle vraiment, indépendante (puisque c'est notre pensée qui la conçoit) ?

 

38 Comment expliquer les "influences instantanées" que semblent impliquer les expériences de type Aspect ?

 

39 La physique quantique ne montre-t-elle pas les limites intrinsèques du savoir scientifique ?

 

 

A la question 26 répond un retour sur la question des états quantiques, qui ne peuvent en aucun cas êtes assimilés à des états « en soi » (expérience sur la séparation et la recombinaison de faisceaux d’électrons dans des états « distincts »).

 

La question 30 offre l’occasion de considérations intéressantes sur la façon dont ce qu’il est convenu d’appeler les « littéraires » peuvent avoir des intuitions sensibles sur la réalité en soi, qui se heurtent à la rationalité objectivante des « scientifiques », la philosophie semblant être seule en mesure de penser et maintenir un pont entre ces deux grandes approches de la réalité.

 

La question 31 amène à considérer la possibilité que les mathématiques nous laisse entrevoir « un important ‘mode de structure’ du Réel » (p 207).

 

On le voit, la dissertation questionnée de Bernard d’Espagnat le conduit à réexposer d’une façon discursive courante ses principales thèses présentées dans le plus copieux et aride TPP (Traité de physique et de philosophie), le rejet du réalisme objectiviste et de l’idéalisme en faveur du réalisme ouvert, la conception de la réalité empirique (pour nous) et du Réel voilé (la réalité en soi).

 

Cette réexposition ne peut être considérée comme une simplification du propos, encore moins comme une vulgarisation (dans le mauvais sens du terme), la rigueur de l’argumentation étant intacte, et les éclairages volontairement plus philosophiques, et même littéraires, contribuant à apporter l’indispensable vision complémentaire d’une réalité subtile à dévoiler, même partiellement.

 

Le fait que la lecture en soit plus aisée, accessible sans bagage scientifique excessif (mais pas sans effort d’attention à ce qui est dit), et agréable, n’est pas la moindre qualité de ce dialogue. :cool:

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Questions 40 à 42, Conscience et liberté (pp 232 - 248)

 

Inexorablement, par l’invalidation progressive du réalisme objectiviste et l’affermissement, par la physique même, de l’hypothèse de la nature empirique de la réalité par nous perçue, le dialogue aborde des questions centrales sur notre place et notre rôle dans l’édification de cette réalité pour nous.

 

Les questions 41 et 42 traitent explicitement du rapport de la physique quantique avec la conscience et la liberté apparente de l'observateur et de l'expérimentateur, avec notamment le rôle supposé de la conscience lors de la mesure (Question 41). Sur ce dernier point, le développement que donne d’Espagnat (pp 233 – 240) peut être, non pas résumé, mais sommairement illustré avec l’image du « bâton brisé », un bâton plongé à l’oblique dans l’eau, ce que Bohr aurait désigné comme une analogie symbolique (et non pas une image, ni même une représentation) à notre perception des positions des aiguilles sur les cadrans des appareils de mesures…

 

La question 42 traite de la possibilité de sortir de la circularité pour définir la conscience, avec la physique quantique et les neurosciences. Possibilité, sinon rejetée définitivement, du moins notée comme « très difficile » par d’Espagnat, puisque « si (…) les objets, neurones compris, ne sont en définitive qu’une interprétation de nos impressions par la pensée, alors l’explication neurologique explique, en fin de compte, la pensée par la pensée : Il y a circularité. » (p 244). :b:

 

Un peu plus loin, le propos est encore plus catégorique : «Il faut renoncer à toute explication "purement physique" de celle-ci (la pensée). » (p 247).

 

 

Questions 43 à 45, La relation entre science et ontologie (pp 248 -265).

 

Le cheminement entamé avec l’examen des ruptures introduites par la physique moderne dans la vision classique, « galiléenne » - qui d’une certaine façon avait déclenché le funeste processus de séparation de la philosophie d’avec la science à partir de ce qu’il est convenu d’appeler la Renaissance - conduit maintenant, à la presque fin du livre (*), à examiner les conditions et la nécessité d’un dialogue fort entre philosophie et physique (Note personnelle : Redonner une conscience à la science ;) - merci Rabelais - avant que notre âme, et la planète, ne soient définitivement ruinées et ravagées).

 

La question 43 met en évidence, par les points examinés jusqu’ici, une nouvelle légitimation du dialogue Science-Philosophie. Dialogue cependant qualifié de difficile et de frustrant par d’Espagnat.

 

La 44ème questionne sur les capacités des théories scientifiques à "faire le tri" entre les diverses ontologies et épistémologies envisagées par les philosophes, en procédant par réfutations.

 

Où d’Espagnat répond globalement positivement, considérant que la « méthode » Popper de progression par « émondages successifs » peut être maintenant étendue à la philosophie.

 

Et enfin, pour clore cette partie, la question 45 : Peut-on affirmer aujourd'hui que la physique quantique permet de réfuter sans appel l'ontologie matérialiste atomique et mécaniste (qui est encore le cadre de pensée de nombreux scientifiques, y-compris des physiciens) ?

 

Je me cantonnerai à citer le seul tout début de la longue réponse (pp 253 -265) qui suit : « Réfuter sans appel, c'est beaucoup dire ! » Un début qui laisse suffisamment entendre que cette réfutation fait partie des choses vraisemblables, et même assez probables… :refl:

 

 

 

 

 

(*) Je n’évoquerai pas plus avant la dernière partie, avec les questions 46 à 50 (pp 265 - 287), sur la plausibilité d'une ontologie autre que le matérialisme (on arrive là dans les convictions, voire des croyances, plus personnelles de l'auteur).

 

Avec principalement 3 raisons :

 

  1. C'est hors-charte WA.
  2. Je ne suis pas en accord avec certaines de ces positions, et les discuter reviendrait à mettre en avant des questions de croyances personnelles.
  3. Je dois rendre le bouquin à la bibliothèque...

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Questions 40 à 42, Conscience et liberté (pp 232 - 248)

 

Inexorablement, par l’invalidation progressive du réalisme objectiviste et l’affermissement, par la physique même, de l’hypothèse de la nature empirique de la réalité par nous perçue, le dialogue aborde des questions centrales sur notre place et notre rôle dans l’édification de cette réalité pour nous.

 

Les questions 41 et 42 traitent explicitement du rapport de la physique quantique avec la conscience et la liberté apparente de l'observateur et de l'expérimentateur, avec notamment le rôle supposé de la conscience lors de la mesure (Question 41). Sur ce dernier point, le développement que donne d’Espagnat (pp 233 – 240) peut être, non pas résumé, mais sommairement illustré avec l’image du « bâton brisé », un bâton plongé à l’oblique dans l’eau, ce que Bohr aurait désigné comme une analogie symbolique (et non pas une image, ni même une représentation) à notre perception des positions des aiguilles sur les cadrans des appareils de mesures…

 

 

Parle-t-il du "théorème du libre arbitre" de Conway et Kochen ?

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Parle-t-il du "théorème du libre arbitre" de Conway et Kochen ?

 

Non, il ne mentionne pas ce théorème (*)... Globalement, l'ensemble du livre fait peu de références "pointues" dans le domaine physique, il est plutôt dans le registre "philosophique discursif" (son interlocuteur n'est pas physicien), ce qui n'exclut bien sûr absolument pas la précision et la rigueur.

 

Concernant le libre arbitre, l'argumentation porte plutôt sur la "libération" de sa possibilité par la MQ, en levant la difficulté conceptuelle liée au déterminisme strict de la physique classique (pour quelqu'un qui a une conception déterministe de stricte obédience, le libre arbitre ne pourrait être que d'origine divine, s'il était conséquent dans ses conceptions...:be:).

 

(*) A moins que ça ne m'ait échappé...Impossible de vérifier, le livre est de retour sur les étagères de la bibliothèque Mouffetard.

 

Je ne connaissais pas ce théorème...Intéressant et à creuser...Il compléterait celui de Bell. :refl:

 

http://www.ams.org/notices/200902/rtx090200226p.pdf

 

Extrait : "Some readers may object to our use of the



term “free will” to describe the indeterminism of

particle responses. Our provocative ascription of

free will to elementary particles is deliberate, since

our theorem asserts that if experimenters have a

certain freedom, then particles have exactly the

same kind of freedom. Indeed, it is natural to

suppose that this latter freedom is the ultimate

explanation of our own."

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  • 2 semaines plus tard...

En complément de mes commentaires sur ce livre, une analyse intéressante, précise sans être excessivement longue (5 pages), par un philosophe, ici : http://www.nonfiction.fr/article-2431-p3-dernieres_nouvelles_du_reel.htm

 

Quelques extraits choisis (c'est moi qui met en gras)...

 

"Car la physique, telle est la conviction commune aux deux auteurs, nous oblige à réviser la formulation traditionnelle de certaines questions philosophiques fondamentales, touchant notamment aux concepts d’espace, de temps, de causalité et d’objectivité. Il y va de l’ontologie de la physique (ses catégories ultimes), mais aussi bien de notre rapport à l’être, selon une tonalité plus existentielle qui traverse tout l’ouvrage."

 

"... tous ces aspects déroutants de la mécanique quantique rendent de plus en plus délicate la représentation d’un monde constitué d’objets bien déterminés et individualisés, séparés et localisés, existant par eux-mêmes indépendamment de nous. Si l’on veut rester réaliste dans de telles circonstances, il faut se préparer à un réalisme d’un genre tout à fait nouveau : un réalisme non-objectiviste."

 

"Si l’on accepte – comme on le doit – la possibilité ouverte par l’expérience d’Aspect, la localisation dans l’espace et dans le temps, en général, n’a plus rien d’évident : elle n’est pas seulement relative (au système de référence adopté), elle paraît tout simplement incompréhensible dans les termes auxquels nous sommes habitués. À bien y réfléchir, c’est la notion même d’objet qui s’en trouve affectée, et par extension celle d’une réalité indépendante constituée par une multiplicité d’objets existant en soi, indépendamment de la connaissance que nous pouvons en avoir."

 

"D’Espagnat insiste sur le fait qu’on touche, avec la violation des inégalités de Bell, à quelque chose comme un point de résistance absolu, qui ne doit pas grand chose, en fait, à l’interprétation qu’on peut en donner : « la preuve, expérimentale, de la violation en question restera […] valable même le jour, si jamais il advient, où la physique quantique aura été remplacée par une autre physique différente, fondée sur des idées radicalement autres » (p. 101-102). C’est l’universalité de ce résultat expérimental et de ses implications conceptuelles qui autorise à voir dans l’inséparabilité quantique l’indice d’un véritable problème métaphysique transversal à toutes les interprétations physiques du phénomène."

 

"Tout l’art de Claude Saliceti est de conduire son interlocuteur, au fil des questions, à préciser davantage les attendus de ses propres positions métaphysiques. Jamais la discussion ne bascule dans la spéculation gratuite ; elle demeure étayée, d’un bout à l’autre, par les résultats les plus précis de la science contemporaine, comme en témoigne, par exemple, l’appendice III consacré à une mise en question expérimentale, d’ailleurs toute récente, des rapports entre la causalité et le temps. Dans ce livre riche, foisonnant d’intuitions, chacun trouvera matière à penser : le physicien et le philosophe, bien sûr, mais plus largement tous ceux que n’effraie pas l’idée de s’attaquer – en s’instruisant au passage – à quelques « questions ultimes » "

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En complément de mes commentaires sur ce livre, une analyse intéressante, précise sans être excessivement longue (5 pages), par un philosophe, ici : http://www.nonfiction.fr/article-2431-p3-dernieres_nouvelles_du_reel.htm

 

Quelques extraits choisis (c'est moi qui met en gras)...

 

[...]

 

 

Je vais commander ce "Candide et le physicien"...

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Je vais commander ce "Candide et le physicien"...

 

Mhh, il y a aussi Candide et Pangloss (métaphysicien peut-être quantique ?) .:be::cry:

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