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Le problème de la technique (Heidegger sans peine...)


Jeff Hawke

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En fait Heidegger c' est un genre de Sybille moderne.

 

Les sybilles sont des personnages très intéressants de la mythologie grecque.

 

Extraits de l'entrée Wikipedia... (souligné par moi)

 

Quelles différences entre sibylle et pythie ?[1] Premièrement, la Pythie a un statut institutionnel, elle est associée au sanctuaire de Delphes, alors que la sibylle donne une divination occasionnelle, indépendante, nomade. Deuxièmement, la Pythie n'est que le porte-parole du dieu, elle répond aux questions qui lui sont adressées, alors que la sibylle parle à la première personne, revendique l'originalité de sa prophétie et le caractère indépendant de ses réponses.

 

(...)

 

La Pythie est plutôt posée, même si elle est en transe, alors que la sibylle « dit l'avenir d'une bouche délirante » dans le sens d'hermétique ou à la signification ambiguë nécessitant la possession de clés ou de capacités analytiques de décryptage.

 

(...)

 

La sibylle figure l'être humain élevé à une dimension surnaturelle, lui permettant de communiquer avec le divin et d'en livrer les messages, tels le possédé, le prophète, l'écho des oracles, l'instrument de la révélation.

 

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Les pipelettes du sujet

Les pipelettes du sujet

Une autre grille de lecture est proposée ici (par un autre professeur de philosophie) :

http://sylvainreboul.free.fr/Heidegger.html

 

Le lien que tu donnes pointe sur un site qui n'est pas inintéressant, mais il faut reconnaitre que la page qui prétend détruire l'oeuvre de Heidegger est quand même un peu bâclée, et guère recevable...

 

Pour laisser en juger, je donne ci-après cette page, entrecoupée de mes quelques commentaires (les propos de Sylvain Reboul sont en bleu, et mes commentaires en noir) :

 

 

Heidegger est-il philosophe?

 

Le style de Heidegger est tellement boursouflé, amphigourique et dramatique

 

C'est un pur jugement de valeur esthétique. Kant, Hegel et certains autres n'était pas particulièrement aisés à lire non plus

ses arguments, si l’on peut les appeller tels dès lors qu’ils ne se donnent pas comme rationnels et critiques, sont tellement liés à une interprétation éthymologique fantaisiste de l’allemand considéré par lui comme la langue révélante (après le grec ancien) de la philosophie

 

D'abord, on écrit étymologique...et puis il s'appuie sur l'allemand parce qu'il est allemand. De même que Lacan a construit ses cheminements psychanalytiques sur le français.

et de la vérité de l’être en tant qu’être de tout les étants (alors que ce terme n’a rationnellement aucun sens déterminable);

 

...ce qui ne l'empêcherait pas, selon l'auteur de l'article qui semble ne pas être à une contradiction près, d'avoir accompagné et légitimé le génocide... (voir plus loin)

 

être qui, selon lui, à notre époque, se dispense, en s’absentant... que l’on en oublie l’essentiel, à savoir qu’il refuse l’individualisme théorique de la pensée critique , la démocratie philosophique et politique et plus généralement toute philosophie de la représentation qui est la tradition le plus féconde de la pensée philosophique occdentale, bref le libéralisme philosophique des Lumières, au profit d’une mystique négative sécularisée (directement issue de la théologie négative) de l’être

 

Là je ne suis pas assez compétent en philosophie pour comprendre de quoi il retourne. Mais Kant, c'est bien les Lumières, non ?

 

révélé par lui même contre les prétendus errements ontico-ontologiques de la modernité et de la technique; sauf, bien entendu, lorsque ces dernières lui semblent liées dans le projet hitlerien, véritable incarnation de l’être destinal de notre époque. "Ein Volk, ein Reich, ein Fürher"...

 

Allusion sans réelle argumentation au supposé nazisme d'Heidegger, dont on sait que cela reste une question très controversée, notamment sur sa philosophie. Lui l'a été, au moins pendant quelques temps, c'est certain.

 

Certains à ce sujet parle de retour à l’ontologie, sans voir que ce retour est une régression intellectuelle, dès lors que sous couvert de l’être comme fondement des existants on peut dire n’importe quoi et surtout refuser de prendre les existants humains en tant que qu’individus singuliers sentants et désirants (donc empiriques) en considération. Il s’agit bien là d’un anti-humanisme pratico-idéologique (je ne dirais pas théorique) qui a ouvert la porte, voire accompagé et légitimé le génocide.

 

L'accusation est ridicule. Hannah Arendt, dans sa magistrale analyse du système totalitaire, a bien montré que celui-ci (qu'il soit nazi ou stalinien) s'empare de n'importe quel type de théorie philosophique qui sert ses propres buts (le mouvement, la dissolution de l'individu dans un principe supérieur), ce que tend d'ailleurs à faire aujourd'hui le libéralisme (les impératifs économiques, la nécessité de contraindre les aspirations humaines dans les règles du marché,...)

 

Il n’ y a pas d’éthique de la relation aux autres en tant qu’individus concrets chez Heidegger: le souci de l’être est l’expression d’un refus de se soucier des autres êtres.

 

??? Ca me parait un peu arbitraire et définitif, cette affirmation...:b:

 

Que certains à gauche se réclament de cette parodie para-philosophique romantisée et anti-moderne, dépourvue de tout concept opératoire rigoureux , et de toute argumentation trationnelle, montre seulement que la haine de la démocratie et de la modernité n’est pas l’apanage de l’extrême droite.

 

Pourquoi cette association, qui semble aller de soi, entre modernité et démocratie ? La démocratie est déjà ancienne.

 

Ceci dit certains propos de Heidegger, sur la technique, la poésie et le temps, peuvent susciter la réflexion et il serait peu philosophique de la refuser au nom du fait que cette prétendue philosophie n’est pas rationnelle, de même qu’il est non philosophique de refuser d’examiner d’une manière critique les différentes idéologies religieuses en ce qu’elles peuvent apporter de questions et de réponses philosophiques possibles à la réflexion critique.

 

Voilà un point avec lequel je suis d'accord.... C'était ici, dans ce fil, ma tentative, au sujet de la technique. :refl:

 

Mais, pour ce faire, il convient de s’arracher à l’effet de sidération ou de fascination pré voire anti philosophique que provoque le rhétorique neo-romantique, voire neo-religieuse ("seul un Dieu, après Hitler, a-t-il dit, peut nous sauver!") de cet auteur.

 

C'est exact, il a dit ça en 1933, alors qu'il venait d'être nommé recteur, et qu'il était membre du parti nazi. Cela suffit-il a réfuter toute son oeuvre philosophique ? (je pose la question, je n'ai pas la réponse).

Modifié par Jeff Hawke
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Donc, ce qu'il faut comprendre, c'est que l'essence de la technique est l'arraisonnement.
Facile à dire, explique clairement, ou alors c'est ArthurDent qui est dans le vrai, c'est "boursouflé, amphigourique et dramatique". :be:
Et que l'arraisonnement est un envoi du destin pour le dévoilement. Ce qui veut dire qu'il ne faut pas considérer que la technique est une fatalité inévitable de notre temps.
De moins en moins clair, c'est quoi un arraisonnement, un envoi du destin et un dévoilement ? :cry:
Et plus précisément, la question n'est pas de se soumettre à la technique ou de la refuser, mais de s'ouvrir à son essence, pour trouver l'espace de liberté dans notre rapport avec elle.
Concrètement ? :cool:
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Facile à dire, explique clairement, ou alors c'est ArthurDent qui est dans le vrai, c'est "boursouflé, amphigourique et dramatique". :be:
Ces qualificatifs ne sont par d'Arthur, mais de Sylvain Reboul, celui qui fait le site vers lequel le lien d'Arthur pointe.

 

Sinon, tes questions me surprennent un peu, puisque c'est l'objet du fil, où j'ai présenté le cheminement d'Heidegger. Qui part de la technique comme instrument, passe par la causalité, pour parvenir à identifier l'essence de la technique comme dévoilement, l'arraisonnement étant le mode particulier, calculé pourrait-on dire, de la technique moderne (posts 1 et 26).

 

De moins en moins clair, c'est quoi un arraisonnement, un envoi du destin et un dévoilement ? :cry:

L'envoi du destin est évoqué au post 52. L'arraisonnement, cette mise en demeure de la nature, sa mise en coupe réglée brutale et rationnelle à laquelle nous nous livrons de façon sans cesse accélérée, construit notre histoire d'une certaine façon. C'est un envoi du destin, et un destin bien sombre, cela parait clair maintenant que l'irréparable a sans doute été commis.

 

Le dévoilement, c'est un mode de révélation de la réalité (comme l'art, la poésie, la technique).

 

Concrètement ? :cool:
Concrétement ??

 

La philosophie propose des chemins, d'apprendre à penser, mais n'a pas de recette ou de programme. C'est à nous, à chacun, de comprendre le danger de la technique, et d'essayer de voir au-delà...

 

Par exemple, face à n'importe quel dispositif technique, au lieu de l'analyser d'un point de vue purement instrumental, utilitaire, essayer de voir quelle représentation du monde il nous propose, quelle limite et quel enfermement il implique sur notre rapport au réel.

 

L'exemple du débat sur le nucléaire est assez probant. On sait que cette technique est très dangereuse, voire mortelle, mais une majorité continue d'aborder le problème sous la forme de la question "instrumentale : "on a besoin d'énergie, donc comme il n'y a pas d'alternative, on n'a pas le choix"...au lieu de poser la question de fond, sur la pertinence d'un type de société qui consomme de l'énergie tant et plus, en pure inutilité de lampadaires insensés et de transport de légumes depuis les extrémités du monde...

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Ces qualificatifs ne sont par d'Arthur, mais de Sylvain Reboul [...]
Je sais, je sais, mais c'est trop goûteux "boursouflé, amphigourique et dramatique", surtout amphigourique, bien mieux que abscons :) , et puis les trois adjectifs, Proust ... :) :)

 

tes questions me surprennent un peu, puisque c'est l'objet du fil, où j'ai présenté le cheminement d'Heidegger.
Disons que je suis un peu bouché, :( mais je n'ai toujours pas compris, même en relisant plusieurs fois tes explications.

 

Pour avancer, j'ai cherché dans un "vocabulaire philosophique" :

Dévoilement.- Chez Heidegger caractère de la vérité qui, selon l'étymologie du mot grec a-lètheia, non-voilement, dé-couverte, est la manifestation de l'étant qui cesse d'être caché par les préoccupations de l'existence quotidienne.
Il me semble donc qu'on ne peut pas comprendre Heidegger sans Aristote et ses quatre causes, dans le même vocabulaire :
Cause.- Aristote distingue 4 espèces de causes : a) la cause matérielle (vg. dans une statue la matière dont elle est faite) ; - B) la cause formelle (la figure que la statue représente ; cf. Forme) ; - c) la cause efficiente, i.e. la cause au sens 1 (le sculpteur) ; - d) la cause finale (le but : désir de la gloire ou du gain visé par le sculpteur).

 

Forme.- Chez Aristote : "forme ou cause formelle", ce vers quoi tend tout changement ; elle est à la fois l'acte, l'essence, la perfection et le principe d'unité de chaque être : "Un des principes d'Aristote est que la forme est un être distinct de la matière"

Pour Aristote, la forme de la statue est déjà présente dans la pierre, avant même l'intervention du sculpteur, le sculpteur ne fait que dévoiler cette vérité.
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  • 3 mois plus tard...
Ben oui, l'exemple est clair, pour illustrer ce qu'il entend par "mise en demeure" (ou bien, la nature "considérée comme un fonds"), le "vieux moulin à vent" ne fait rien de tel, comparé à la centrale hydroélectrique du Rhin (ou à nos modernes batteries d'éoliennes).

 

Tu vas me dire qu'il n'y pas de différence fondamentale, seulement de puissance et d'efficacité. En quoi je te répondrai que là encore, il ne faut pas analyser au strict plan instrumental, mais aller à l'essence de la chose, là où l'homme est partie prenante. Et le meunier ne met pas la nature en coupe réglée comme EDF, il use à son échelle, "en passant", d'une énergie non stockable, c'est à dire qui ne peut pas non plus être commise comme un fonds (pour employer les concepts d'Heidegger).

 

Et les éoliennes alors ? Ben, il suffit d'observer les immenses champs de celles-ci (je ne sais pas si il y en a beaucoup en France, mais aux USA, par exemple sur la route San Francisco - Las Vegas, c'est hallucinant) pour se faire une image concréte de cette "mise en demeure" du vent.

Bonjour, j'aimerais savoir comment je peux faire comprendre à des écologistes lucides (qui, toutefois, ne vont pas au problème essentiel) que l'énergie éolienne ne peut pas résoudre le problème écologique parce que, là encore, le vent est "mis en demeure de livrer son énergie".

 

Comment expliquer pourquoi c'est dangereux pour l'homme ? Comment expliquer qu'il y a une différence fondamentale avec le moulin sans passer pour un "passéiste" ? J'aimerais l'expliquer le plus simplement possible, afin de ne pas passer pour un baratineur qui passe son temps dans les hautes sphères de la philosophie sans rien proposer de concret pour un problème aussi urgent que la dévastation du monde.

 

P.S : Imaginons que Heidegger aurait eu une réponse "concrète", "pratique" au "problème" de la production d'énergie. Certes c'est une contradictio in adjecto, ou quelque chose dans le genre, mais imaginons. Sa réponse aurait-elle pue être : le "retour" au moulin à vent qui n'accumule pas l'énergie ?

 

Miaou

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rajout miaoumiaou
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P.S : Imaginons que Heidegger aurait eu une réponse "concrète", "pratique" au "problème" de la production d'énergie. Certes c'est une contradictio in adjecto, ou quelque chose dans le genre, mais imaginons. Sa réponse aurait-elle pue être : le "retour" au moulin à vent qui n'accumule pas l'énergie ?

 

Le problème de fond, derrière cette question, c'est qu'en vérité, il n'y a pas de "problème" de la production d'énergie. Nous n'avons absolument pas besoin des ces colossales quantités d'énergie, qui ne servent qu'à alimenter le Moloch marchand.

 

Et, pas suite, le "problème écologique" est pris par le mauvais bout, si on le pose ainsi : Comment trouver des moyens "alternatifs", "verts", pour maintenir cette société malade de l'économie.

 

La dévastation du monde, aussi grave qu'elle soit, n'est qu'une des métastases de notre civilisation "économique"... La technique est le vecteur principal de la propagation de la dévastation, mais c'est en amont que ça se joue, dans nos représentations mentales...

 

C'est peut-être à ça que sert, entre autres, la philosophie : A tenter d'élucider le mécanisme meurtrier qui nous fait voir le monde, objectivement, sans la vie. Tant qu'on ne se rend pas compte de ça, des idées à la c... comme par exemple "le progrés", continuent de régner alors que toutes les évidence (constatées séparément par tout un chacun : Marées noires, épidémies, pollution lumineuse, Paris-Dakar, illettrisme, déconstruction sociale, urbanisation démente, invasion automobile,...) montrent que c'est un mensonge, que ça ne marche pas, que nous régressons...

 

Quant à dire si ma réponse est une réponse concrete... :refl:

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Le problème de fond, derrière cette question, c'est qu'en vérité, il n'y a pas de "problème" de la production d'énergie.
Je suis absoulement d'accord, c'est pourquoi j'ai écris "problème" entre guillemets. Le problème des problèmes réside donc dans les "représentations mentales", comme tu dis. Mais si les catastrophes visibles n'éduquent pas (ou trop lentement), mais deviennent, au contraire, banales, normales, qu'est-ce qui éduquera ? L'extrême bout de la falaise ? Il sera trop tard alors ! C'est dur de se dire qu'il n'y a rien à faire ! Comment vivre sans aucune espérance ?
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C'est dur de se dire qu'il n'y a rien à faire ! Comment vivre sans aucune espérance ?

 

La seule possibilité est d'essayer de changer la mentalité des enfants, pour les générations adultes il est hélas trop tard.

 

Malheureusement la majorité des enfants ont leurs parents comme exemple, ce qui ne laisse pas beaucoup d'espoir. :(

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Comment vivre sans aucune espérance ?
Non seulement on le peut, mais si l'on suit les (Anciens) Grecs sur le sujet, c'est souhaitable.

 

L'Espérance, le mythe de Pandore a pris soin de faire en sorte que Prométhée, en ouvrant sa boite, ne laisse échapper que les maux, et pas l'Espérance...

 

Quant à l'espoir, voyons ce qu'en disent les Tragiques, par exemple dans cet extrait d'Antigone (excellemment réécrite par Anouilh en une époque sombre).

 

CRÉON, la secoue

 

Te tairas-tu enfin ?

 

ANTIGONE

 

Pourquoi veux-tu me faire taire ? Parce que tu sais que j'ai raison ? Tu crois que je ne lis pas dans tes yeux que tu le sais ? Tu sais que j'ai raison, mais tu ne l'avoueras jamais parce que tu es en train de défendre ton bonheur en ce moment comme un os.

 

CRÉON

 

Le tien et le mien, oui, imbécile

 

ANTIGONE

 

Vous me dégoûtez tous avec votre bonheur ! Avec votre vie qu'il faut aimer coûte que coûte. On dirait des chiens qui lèchent tout ce qu'ils trouvent. Et cette petite chance pour tous les jours, si on n'est pas trop exigeant. Moi, je veux tout, tout de suite, - et que ce soit entier - ou alors je refuse ! je ne veux pas être modeste, moi, me contenter d'un petit morceau si j'ai été bien sage. Je veux être de tout aujourd'hui et que cela soit aussi beau que quand j'étais petite - ou mourir.

 

CRÉON

 

Allez, commence, commence, comme ton père !

 

ANTIGONE

 

Comme mon père, oui ! Nous sommes de ceux qui posent les questions jusqu'au bout. Jusqu'à ce qu'il ne reste vraiment plus la petite chance d'espoir vivante, la plus petite chance d'espoir à étrangler. Nous sommes de ceux qui lui sautent dessus quand ils le rencontrent, votre espoir, votre cher espoir, votre sale espoir !

:cool:

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Mais le beau désespoir des Grecs de l'époque classique était différent. Leur pessimisme n'avait pas la même cause. Le nôtre vient du fait que nous avons perdu la beauté même du désespoir, la beauté du tragique. Nous n'avons même plus de tragique. Nous avons une lente décrépitude absurde et laide. Comment le tragique pourrait-il subsister alors que nous sommes immergés d'objets reproductibles à l'infini, qui annihilent la possibilité même de tout tragique ?

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miaou
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Non seulement on le peut, mais si l'on suit les (Anciens) Grecs sur le sujet, c'est souhaitable.

 

L'Espérance, le mythe de Pandore a pris soin de faire en sorte que Prométhée, en ouvrant sa boite, ne laisse échapper que les maux, et pas l'Espérance...

 

Jeff, ne crois-tu pas que Prométhée a souffert assez pour ne pas lui coller en plus la boîte de Pandore sur le dos ? Prométhée l'archétype du chercheur, de l'inventeur, puni pour avoir donné le feu aux hommes, sont cons les dieux voilà tout :be:. Pandore est (serait) leur créature, lui n'y est pour rien, je tenais à le dire ;).

Etonnant de voir comme le talent intelectuel est relié au malheur, la pomme d'Adam c'est pareil.

 

Sinon pour le commentaire de ce post en effet très conceptuel, je crois que presque personne n'est habitué à mener son esprit vers une interprétation philosophique des phénomènes matériels (et surtout technologiques), une approche courante dans les civilisations passées, quand matière et spiritualité s'inmbriquaient plus facilement (pour nous c'est un folklore irréaliste mais on y trouve en effet de vraies sagesses, le mythe de l'espérance est très juste, l'espoir n'a aucune valeur, pire il est souvent trompeur et détourne de l'action).

Tout le monde n'a pas ton expérience des abstractions quantiques où le monde lui-même devient une donnée à relativiser, sans compter l'observation de l'observateur :be: et la complexité indicible des univers multi-dimensionnels. Au moins cette gymnastique mentale est un bon entraînement.

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Jeff, ne crois-tu pas que Prométhée a souffert assez pour ne pas lui coller en plus la boîte de Pandore sur le dos ?
Ah oui, j'ai confondu avec son frère, Epiméthée, le mari (et en plus, ce n'est pas lui qui a ouvert la boite).

 

Etonnant de voir comme le talent intelectuel est relié au malheur, la pomme d'Adam c'est pareil.

Je pense que le mythe est plus subtil que ça. Du côté grec, ce n'est pas le talent intellectuel, mais l'outillage, le feu, la bricole...l'amélioration du confort matériel, sans la compréhension de l'essence de la chose.

 

Et dans la Bible, c'est la Connaissance (sans la Sagesse).

 

La mise en garde était pourtant claire... :ninja:

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Désolé de recopier la même chose mais vous n'avez rien répondu à ceci :

 

Mais le beau désespoir des Grecs de l'époque classique était différent. Leur pessimisme n'avait pas la même cause. Le nôtre vient du fait que nous avons perdu la beauté même du désespoir, la beauté du tragique. Nous n'avons même plus de tragique. Nous avons une lente décrépitude absurde et laide. Comment le tragique pourrait-il subsister alors que nous sommes immergés d'objets reproductibles à l'infini, qui annihilent la possibilité même de tout tragique ?

 

C'était trop nul ?

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C'était trop nul ?

 

Je ne comprends pas trop bien ce type de considération. Qu'est qui serait nul, comment, et pourquoi ?

 

Pour ce qui est de la disparition du tragique, ce n'était pas tellement le sujet, ni du fil, ni des commentaires qui ont pu suivre... J'ai mentionné les Tragiques grecs pour la référence à l'espoir, dont il faut se garder.

 

Et sur ce point, il me semble que la leçon des Anciens est plus que jamais d'actualité : Le préalable à la compréhension de la folie du monde actuel est de renoncer radicalement à toute espèce d'espoir. La Carthage techno-économique sera détruite, c'est inéluctable, et ça va mal se passer... :ninja:

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Je ne comprends pas trop bien ce type de considération. Qu'est qui serait nul, comment, et pourquoi ?

 

Pour ce qui est de la disparition du tragique, ce n'était pas tellement le sujet, ni du fil, ni des commentaires qui ont pu suivre... J'ai mentionné les Tragiques grecs pour la référence à l'espoir, dont il faut se garder.

 

Et sur ce point, il me semble que la leçon des Anciens est plus que jamais d'actualité : Le préalable à la compréhension de la folie du monde actuel est de renoncer radicalement à toute espèce d'espoir. La Carthage techno-économique sera détruite, c'est inéluctable, et ça va mal se passer... :ninja:

 

Je comprends. Ce que je veux dire, c'est que la comparaison entre le tragique antique et le "tragique" moderne est insensée, dans la mesure où, quoi qu'il se passât d'horrible dans l'antiquité, une renaissance était toujours possible ; le désespoir, beau et nécessaire, avait donc un autre sens qu'aujourd'hui.

 

Or aujourd'hui, nous n'avons même plus cette consolation, cet espoir. Notre désespoir n'est pas même tragique, non ? Je n'ai aucune certitude, aucune prétention, je me pose juste des questions. Vous comprenez ce que je veux dire ?

 

Après, quand vous dites que la disparition du tragique n'est pas tellement le sujet, je ne suis pas d'accord ; la question de la technique et le tragique sont intimement liés. Plus que ça, ces deux choses ne forment qu'une seule et même chose.

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Comment vivre sans aucune espérance ?

Je crois sincèrement que la civilisation (peut-être l'humanité) a déjà commencé son suicide. Impossible de revenir en arrière. Mais on peut encore positiver, en profitant du jour présent puisqu'aujourd'hui est mieux que demain.

 

La Carthage techno-économique sera détruite, c'est inéluctable, et ça va mal se passer...

Ah, je ne suis pas le seul "pessimiste" (je pense, moi aussi, que ça va se passer très mal).

 

(Au passage, Jeff, j'ai adoré l'expression "Moloch marchand". Elle vient de toi ? Comme je trouve que l'économie est devenue une religion et qu'elle nous asservit de la même façon que, selon Marx, la religion sert à asservir le peuple, je la trouve très bien trouvée.)

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Je crois sincèrement que la civilisation (peut-être l'humanité) a déjà commencé son suicide. Impossible de revenir en arrière. Mais on peut encore positiver' date=' en profitant du jour présent puisqu'aujourd'hui est mieux que demain.

 

 

Ah, je ne suis pas le seul "pessimiste" (je pense, moi aussi, que ça va se passer très mal).

 

(Au passage, Jeff, j'ai adoré l'expression "Moloch marchand". Elle vient de toi ? Comme je trouve que l'économie est devenue une religion et qu'elle nous asservit de la même façon que, selon Marx, la religion sert à asservir le peuple, je la trouve très bien trouvée.)[/quote']

 

Je ne suis pas sûr qu'il faille prendre Marx à la lettre. Quand Marx parle de religion, il parle des miettes de la religion. Et pas n'importe laquelle : la religion la plus célèbre de l'Occident, le christianisme.

 

Que toutes les religions asservissent le peuple, cela n'a rien d'extraordinaire, mais ce n'est pas si évident. L'asservissement des esclaves à l'époque féodale, moderne et industrielle, pour Marx, étaient bien pire (il emploie le mot pire) que la condition des esclaves à l'époque gréco-romaine. Et ceci pour plusieurs raisons. Les religions grecque et romaine n'étaient pas menteuses comme le christianisme. Un esclave, on l'appelait alors un esclave. Le christianisme a toujours dissimulé, fardé cet état de fait. C'est lui qui a mené l'homme de du XIXe siècle, en Europe comme en Amérique, à être fier de sa servitude, et à changer radicalement cette servitude en aliénation.

 

Que la religion serve à asservir le peuple, c'est bien plus vrai des religions monothéistes que des religions polythéistes antiques, où l'on ne dissimulait pas la cruauté. Cela ne veut pas dire qu'elle était annulée, mais cela fait quand même une énorme différence. La religion grecque était merveilleuse, parce que c'étaient les dieux qui prenaient sur eux la faute, pas les hommes.

 

Les Grecs et les Romains, quand un crime était commis, avaient pour réflexe de dire : "un dieu l'a rendu fou", "nous sommes les jouets des dieux"...

 

Toutes les tragédies grecques se finissent ainsi : les dieux sont responsables, ils jouent. Dans Les Trachiniennes, Héraclès, le demi-dieu, est récompensé de la fin de ses Travaux par la mort. "Voilà comme ils nous récompensent". C'est une tragédie magnifique parce qu'elle montre la profondeur de la religion grecque, que certains croient souvent naïve. Elle montre que, quoi que l'homme fasse et espère, les dieux ne tiennent pas forcément leurs promesses, ou rusent, et jouent avec les mots. Quand Zeus promet à Héraclès qu'il le laissera "reprendre haleine" s'il réussit ses Travaux, en fait "reprendre haleine" (je ne connais pas le grec) veut dire mourir :

 

"car celui dont les yeux sont clos à la lumière,

n'est-il pas de son dur servage

enfin délié par la mort ?"

 

La vie d'Héraclès était dure, il était tout le temps à bout de souffle. Enfin bref, je résume et je ne suis pas helléniste. Seulement, quand je vois une telle beauté dans leur religion, je ne peux pas m'empêcher de penser que le christianisme ait été une malédiction.

 

Un Égyptien a fait à Hérodote le plus beau compliment, sans le savoir, qu'on puisse faire à un homme ou à une civilisation : "Vous autres Grecs, vous êtes des enfants."

 

C'est pourquoi il faut faire attention avec Marx, qui est génial mais qui conçoit l'histoire comme un progrès vers un but. Et ça, ça craint.

Modifié par chatonnet
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(Au passage' date=' Jeff, j'ai adoré l'expression "Moloch marchand". Elle vient de toi ? [/quote']

 

 

J'étais en train de lire Salammbô, ces derniers jours, donc sans doute influence sournoise de la cruelle mythologie Phénicienne (et Carthaginoise). Le sacrifice d'enfants auprès de Moloch y fait l'objet d'une scène (ce que Flaubert nomme dans se correspondance, "la grillade des moutards").

 

Intéressant aussi de noter la relation avec Saturne/Cronos, qui dévore ses enfants, et qui symbolise le temps (meurtrier ?).

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Chatonnet : je n'ai pas dit que j'étais d'accord avec Marx ni qu'il avait raison, hein. C'est juste que je trouve que l'économie est devenue, aujourd'hui, notre nouvelle religion, surtout si on emploie le mot "religion" dans le sens d'un truc qui asservit le peuple, truc que Marx attribuait (à tort ou à raison, là n'est pas le problème) à la religion (de son pays).

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Chatonnet : je n'ai pas dit que j'étais d'accord avec Marx ni qu'il avait raison' date=' hein. C'est juste que je trouve que l'économie est devenue, aujourd'hui, notre nouvelle religion, surtout si on emploie le mot "religion" dans le sens d'un truc qui asservit le peuple, truc que Marx attribuait (à tort ou à raison, là n'est pas le problème) à la religion (de son pays).[/quote']

 

Un problème demeure tout de même : croire que l'économie est une nouvelle religion. Non, c'en est bien fini de toute religion, puisque le sacré n'est plus dans la nature. L'économie est l'économie, elle n'est pas une nouvelle religion. La modernité, la technique, la publicité, l'économie, le progrès même, n'ont pas d'adeptes ni de croyants, ils ont des clients qui, aussi bêtes qu'ils soient, ne sont pas dupes. Au fond, ils savent qu'une bagnole, c'est vulgaire et qu'elle ne remplace pas un prêtre ni le dieu chrétien ni le dieu musulman, ni le dieu juif...

La théorie de l'inconscient, du dieu qui prend une autre forme, une autre manifestation (à savoir celle de l'économie et des gadgets), c'est fait pour que les psychanalistes, psy en tout genre et pseudo-philosophes puissent gagner leur croûte. En disant que l'économie est le nouveau dieu, ils se croient originaux, alors qu'il n'y a qu'un monde sans dieu, dans divin.

 

Plus rien de sacré mais des bagnoles partout. Partout où il va, "l'homme ne rencontre plus que lui-même", disait Heidegger. Dans un monde sans sacré, plus de morale possible ; "tout est permis". Permis de conduire. Permis de bétonner et d'industrialiser le monde "pour donner du travail", soi disant.

 

Permis de tout détruire. L'économie n'est une nouvelle religion, non. C'est juste un jeu de mots foireux pour refuser de voir le terrible. Car la vérité est plus terrible que ça. Nous avons perdu la possibilité même de faire l'expérience du sacré. Avant l'époque de l'industrialisation et donc de la laideur, de la reproductibilité technique, l'athée sincère et authentique gardait la possibilité de faire l'expérience du sacré, du sublime (appelez ça comme vous voulez) grâce à la beauté de la nature et de l'art.

Nous n'avons plus cette possibilité.

Modifié par chatonnet
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Pardon, c'est Heisenberg qui disait que l'homme ne rencontre plus que lui-même.

Voilà la citation entière :

Autrefois, l'homme était face à face avec la nature ; habitée par des créatures de toute espèce, elle constituait un royaume qui vivait selon ses propres lois ; l'homme devait de quelque manière s'y adapter. Aujourd'hui, nous vivons dans un monde si totalement transformé par lui que nous rencontrons partout les structures dont il est l'auteur [...] de sorte que l'homme ne rencontre plus que lui-même.

 

edit : Bon, il semble que Heisenschtroumpf aurait été un peu nazi. Désolé de l'avoir cité, je pensais que cette phrase était de Heidegger

Modifié par chatonnet
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Un problème demeure tout de même : croire que l'économie est une nouvelle religion. Non, c'en est bien fini de toute religion, puisque le sacré n'est plus dans la nature.

Je ne vais pas développer, parce que c'est hors charte et hors sujet, mais je ne disais pas ça gratuitement, et ça allait dans le sens du Moloch marchand de Jeff.

Modifié par 'Bruno
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Quand la connexion rame, mes messages sont envoyés en double, ça s'appelle des doublons et il faut que je les efface à la main. Comme on ne peut pas supprimer ou vider un message, je suis obligé de laisser un petit texte, parfois juste un point, parfois une petite phrase comme ce soir...

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Quand la connexion rame' date=' mes messages sont envoyés en double, ça s'appelle des doublons et il faut que je les efface à la main. Comme on ne peut pas supprimer ou vider un message, je suis obligé de laisser un petit texte, parfois juste un point, parfois une petite phrase comme ce soir...[/quote']

 

Ah ok, excusez-moi, j'ai cru que c'était une accusation. J'espère que vous n'avez vu aucune agressivité dans mes messages précédents. J'ai réagi à votre remarque sur Marx parce que le génie de Marx est très ambigü, et je ne trouvais pas ça hors-sujet. Peu importe que nous soyons d'accord ou pas, je ne veux pas que vous croyiez que je suis agressif. Je suis derrière mon écran, et je vous souris !

 

Bonne soirée ! :D

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Pardon, c'est Heisenberg qui disait que l'homme ne rencontre plus que lui-même.
Il était question de la conférence où il a dit cela, dans ce fil...La nature dans la physique contemporaine.

 

Heidegger a ensuite évoqué cette formulation d'Heisenberg dans sa conférence (donnée le lendemain). C'est dans cette suite logique que je l'avais lue, et ouvert ce fil sur la question de la technique...

 

edit : Bon, il semble que Heisenschtroumpf aurait été un peu nazi. Désolé de l'avoir cité, je pensais que cette phrase était de Heidegger
Sur Heisenberg et le nazisme, nous en avions parlé ici : Le manuscrit de 1942

 

Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'affaire n'est pas vraiment flagrante, d'un côté comme de l'autre (alors que pour Heidegger et Von Braun, il ne subsiste aucun doute sur leur engagement nazi :refl:).

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Envoyé par 'Bruno Voir le message

(et un doublon, en plus...)

 

hein ?

 

 

Pas étonnant que chatonnet se sente agressé:

le doublon désigne un mouton mâle castré de plus de 18 mois ayant passé deux saisons en estive pour la production de viande de mouton. :D

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