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Le problème de la technique (Heidegger sans peine...)


Jeff Hawke

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Dans le livre présentant la conférence d'Heisenberg de 1953, sur la nature dans la physique contemporaine, dont il est question dans ce fil, il est fait longuement référence par Catherine Chevalley à la conférence donnée le lendemain par Martin Heidegger, Le problème de la technique (Die Frage nach der Technik). Souhaitant poursuivre mon cheminement depuis la physique quantique – et notamment de l'interprétation de Copenhague – je me suis plongé dans les 40 pages denses de cette conférence (Ca tombe bien, la seconde phrase de ce texte dit justement « Questionner, c'est travailler à un chemin, le construire »).

 

Il est disponible dans un recueil de la collection Tel, chez Gallimard (10 euros :cool:), Essais et conférences, et on trouve une version en anglais (The question concerning technology) en téléchargement libre. La lecture en anglais n'est pas inutile, en complément de la lecture française (plusieurs lectures, il faut le dire :o), du fait des complexités de traduction des concepts d'Heidegger.

 

C'est une analyse passionnante, extraordinairement puissante, profonde, un questionnement qui cherche à aller à la vérité des choses. Une lecture que j'aimerais chaudement recommander. :)

 

Je vais essayer, dans ce fil, de donner un bref aperçu (en 4 parties) de cette analyse.

 

1 La technique est un dévoilement (pp 9-20)

 

Ce que cherche Heidegger dans ce qu'il appelle ce « chemin de pensée », c'est à comprendre l'essence de la technique, pour pouvoir établir un libre rapport avec elle.

 

Considérant dans un premier temps que la technique est un moyen en vue d'une fin, et une activité humaine, (ce qui est exact, mais n'est pas encore vrai, car cela ne dit rien de l'essence), il aborde la question de la causalité en philosophie classique, et remonte à la conception des grecs (Platon et Aristote). Pourquoi ce parcours ? Parce que, si l'on commence par considérer la technique du point de vue instrumental, c'est à dire un quelque chose qui produit un effet, on tombe nécessairement sur la causalité. (« Là où des fins sont recherchés et des moyens utilisés, où l'instrumentalité est souveraine, là domine la causalité. »)

 

Rappelant les 4 types de causes classiques (1 Causa materialis, la matière, 2 Causa formalis, la forme, 3 Causa finalis, le but, et 4 Causa efficiens, l'agent qui fait, qui réalise), Heidegger souligne que la conception initiale des grecs (Aristote) est sensiblement différente, la causa efficiens étant remplacée par le savoir-faire de l'agent qui fait venir, fait apparaître la chose à partir de la matière (hyle), de la forme (eidos), et du but recherché (telos).

 

Cette action de faire-venir, qu'elle soit dans la nature, vienne de l'artisan ou de l'artiste, est un dévoilement de la vérité (alethia en grec).

 

Pour confirmer cette découverte que la technique, au delà de la simple instrumentalité, est un mode du dévoilement, on retourne à l'étymologie. Tekné en grec désigne à la fois le savoir-faire de l'artisan, et l'art. Elle fait partie de ce qui est appelé la poïésis, le « faire » des grecs. Et ce mot de tekné est toujours associé à l'épistémé, la connaissance. Ce qui nous conduit à nouveau au dévoilement. « C'est comme dévoilement, non comme fabrication, que la tekné est une production ».

 

De là, la technique moderne, celle qui nous intéresse ici, qui semble être un résultat de la science moderne, mais qui en fait en est autant la cause (la science moderne n'a pu progresser que par les progrès de la technique), est aussi un dévoilement.

 

Mais elle s'est séparée de la poïésis, pas son mode de dévoilement qui est une pro-vocation, une mise en demeure de la nature. A la différence de l'ancienne tekné, la technique moderne dévoile la nature en la mettant en demeure de livrer son énergie, ses ressources, qui sont extraites et stockées.

Modifié par Jeff Hawke
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Les pipelettes du sujet

Les pipelettes du sujet

Considérant dans un premier temps que la technique est un moyen en vue d'une fin, et une activité humaine

Là je comprends.

Il me semble ainsi que la technique est orientée vers l'avant dans le sens où elle ne se préoccupe que du but poursuivi, alors que la Science remonte par grignotage vers la cause hypothétique. Par exemple, c'est Newton qui a partir du mouvement des planètes pose l'existence de la force gravitationnelle.

A partir de là, je ne te suis pas trop (ou Heiddeger) dans le fait que la technique serait un dévoilement que j'attribuerais plutôt à la Science.

Mais je n'ai peut-être pas compris ton propos.

Modifié par Jean-ClaudeP
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A partir de là, je ne te suis pas trop (ou Heiddeger) dans le fait que la technique serait un dévoilement que j'attribuerais plutôt à la Science.

Mais je n'ai peut-être pas compris ton propos.

 

D'abord, je précise qu'il s'agit des propos d'Heidegger, que, dans un premier temps, je cherche à comprendre et à présenter. ;)

 

Toute sa démarche, dans cette première partie, vise justement à montrer ce qui se cache derrière l'apparence "instrumentale" de la technique (ce qu'il appelle l'essence de la technique). Elle précède la science, dans la tekné des grecs, qui voient d'un seul tenant la tekné (le savoir-faire et l'art) et la connaissance (épistémé).

 

Pour eux, c'est tout à fait clair, la technique est une façon d'accéder à la réalité (comme la poésie, le "faire" des grecs qui se dit poiésis).

 

C'est toujours vrai, mais nous avons les idées beaucoup moins claires que les anciens grecs. :cool:

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C'est toujours vrai, mais nous avons les idées beaucoup moins claires que les anciens grecs.

Tu l' as magistralement démontré dans ton premier post : J' ai déjà lu des textes sortis de www.charabia.net qui étaient plus clairs :be:

 

Pour rester dans le sujet : Je me suis toujours demandé si certains philosophes n' avaient pas recours à ce genre d'outils pour faire avancer leur discipline.

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Tu l' as magistralement démontré dans ton premier post : J' ai déjà lu des textes sortis de www.charabia.net qui étaient plus clairs :be:
Le propos d'Heiddegger est plus un questionnement, une exploration, qu'une démonstration (La philosophie se prête assez peu aux "démonstrations". Elle est un mode d'exploration de la réalité, comme la poésie, ou la musique, qui opère - pour employer la terminologie d'Heisenberg - dans une région différente de celle où opère la science).

 

Quand à la clarté de mon texte, j'ai tenté de donner les principales articulations de la réflexion d'Heidegger en faisant au mieux de ma compréhension, dans ce cheminement. ;)

 

Cela ne peut prétendre se substituer à la lecture de la conférence, que je te conseille si le sujet t'intéresse.

Modifié par Jeff Hawke
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hum ...

quand je rencontre une phrase comme :

"When we are seeking the essence of "tree," we have to become aware that what pervades every tree, as tree, is not itself a tree that can be encountered among all the other trees."

j' ai tendance à ne pas lire la suite, de peur de risquer d' offenser les diptères en accomplissant sur eux (elles ?) des actes que la morale et l' église réprouvent ...

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hum ...

quand je rencontre une phrase comme :

"When we are seeking the essence of "tree," we have to become aware that what pervades every tree, as tree, is not itself a tree that can be encountered among all the other trees."

j' ai tendance à ne pas lire la suite

 

Pourtant ça, c'est parfaitement clair. L'idée d'un arbre (le eidos des grecs) n'est évidemment pas un arbre...

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C'est intéressant ce texte d'Heiddegger, Jeff. Je connais très mal le personnage et son oeuvre.

 

Pour en revenir à la technique qui selon Heidegger

est un moyen en vue d'une fin, et une activité humaine, (...) et si l'on commence par considérer la technique du point de vue instrumental, c'est à dire un quelque chose qui produit un effet

 

Je comprends bien que la technique précède la Science (*) mais je ne vois toujours pas comment elle peut remonter vers une cause et produire un dévoilement de la vérité.

 

La technique est orientée vers une fin déterminée et le technicien (je caricature un peu) va utiliser (pas sans intelligence d'ailleurs) tout un ensemble de savoir-faire plus ou moins disparates pour obtenir l'effet voulu ou quelque chose d'approchant. Mais d'une façon générale, je ne vois pas en quoi il y aura dévoilement de la vérité sinon accidentellement comme peut-être le fit celui qui trouva par hasard la poudre à canon en cherchant des substances pour brûler plus efficacement l'ennemi.

 

(*) pour les grecs la Science est une recherche ayant pour but de comprendre le monde c'est-à-dire de construire un système cohérent et rationnel de la totalité du réel. Ces scientifiques ne cherchaient pas à transformer la nature, ni à tourner le cours des choses à leur avantage.

Cette Science est distincte de la Science Expérimentale née au 17e siécle.

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La technique est orientée vers une fin déterminée et le technicien (je caricature un peu) va utiliser (pas sans intelligence d'ailleurs) tout un ensemble de savoir-faire plus ou moins disparates pour obtenir l'effet voulu ou quelque chose d'approchant. Mais d'une façon générale, je ne vois pas en quoi il y aura dévoilement de la vérité sinon accidentellement comme peut-être le fit celui qui trouva par hasard la poudre à canon en cherchant des substances pour brûler plus efficacement l'ennemi.

 

Ce qu'il cherche à comprendre, en remontant à la conception grecque de la tekné, comme art du "faire-venir", c'est ce qui se cache derrière la vision simplement instrumentale de la technique (celle que tu décris). Comment en fait, la technique gouverne chez nous une représentation du monde.

 

Pour prendre un exemple simple, caricatural (mais connu, quoique sans référence à Heidegger) on dit que pour quelqu'un qui ne posséde qu'un marteau, l'ensemble des problèmes à résoudre dans le monde se présentent à lui comme des clous à enfoncer. Le marteau est un mode de dévoilement du monde (très limité, on vit dans un monde de clous :be:).

 

Quand on truffe la campagne de lampadaires, ce n'est bien entendu pas pour éclairer (on n'en a nul besoin, et il n'y a personne la nuit dans la campagne, sauf les astrams), c'est pour répondre à notre représentation d'une nature que l'on veut domestiquer, c'est notre lecture moderne de la campagne.

 

Tant que l'on reste à l'explication instrumentale de la technique, on ne comprend rien (pourquoi toutes ces télés ? Pourquoi des voitures partout alors que le train existait, mieux, plus sûr, moins cher ?...). L'essence de la technique, c'est cette façon de révéler le monde, en le mettant en coupe réglée...et qui étouffe les autres façons, donc les autres mondes possibles.

 

Mais j'anticipe sur la suite de la conf...

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Comme Jean-ClaudeP, je ne comprends pas très bien.

 

Par exemple, la causalité. J'ai l'impression que la technique se bat les flancs de la causalité. C'est un truc ou un ensemble de truc qui marchent. Pour les gens de l'âge du bronze qui ont "inventé" le fer et donc l'acier et la fonte, je ne vois pas où "domine la causalité". Ils ont trouvé un processus, ils l'appliquent. De temps en temps ils essaient des variantes qu'ils adoptent si ça marche mieux.

 

Il y a un autre point qui me chagrine, c'est la discontinuité que Heidegger établit entre technique ancienne et technique moderne :

Le dévoilement qui régit la technique moderne est une pro-vocation (Herausfordern) par laquelle la nature est mise en demeure de livrer une énergie qui puisse comme telle être extraite (herausgefordert) et accumulée. Mais ne peut-on en dire autant du vieux moulin à vent ? Non : ses ailes tournent bien au vent et sont livrées directement à son souffle. Mais si le moulin à vent met à notre disposition l'énergie de l'air en mouvement, ce n'est pas pour l'accumuler.

Une région, au contraire, est provoquée à l'extraction de charbon et de minerais. L'écorce terrestre se dévoile aujourd'hui comme bassin houiller, le sol comme entrepôt de minerais. Tout autre apparaît le champ que le paysan cultivait autrefois, alors que cultiver (bestellen) signifiait encore : entourer de haies et entourer de soins. Le travail du paysan ne pro-voque pas la terre cultivable. Quand il sème le grain, il confie la semence aux forces de croissance et il veille à ce qu'elle prospère. Dans l'intervalle, la culture des champs elle aussi, a été prise dans le mouvement aspirant d'un mode de culture (Bestellen) d'un autre genre, qui requiert (stellt) la nature.

J'ai trouvé ça là : http://philia.online.fr/txt/hdgg_004.php

Pas convaincu. Dans la Genèse, il me semble que Dieu avait déjà invité Adam et ses successeurs à "soumettre la terre". Et sans remonter si loin ;) , je ne sens pas une attitude différente entre les Romains et "nous". J'ai lu que les Grecs avaient été vaincus parce que leur pays était exsangue par le fait d'une exploitation agricole trop importante (en particulier le rôle des chèvres).

 

Donc deux points ne sont pas clairs pour moi :

1) le lien entre technique et causalité,

2) un comportement différent de la technique ancienne et de la technique moderne.

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C'est un truc ou un ensemble de truc qui marchent. Pour les gens de l'âge du bronze qui ont "inventé" le fer et donc l'acier et la fonte, je ne vois pas où "domine la causalité". Ils ont trouvé un processus, ils l'appliquent. De temps en temps ils essaient des variantes qu'ils adoptent si ça marche mieux.
Ben oui, qui "marchent" pour faire quelque chose, ça ne sort pas du chapeau ces manips sur les silex, le bronze, le fer...Il y a une causa finalis.

 

Je ne comprends pas ton objection.

 

Il y a un autre point qui me chagrine, c'est la discontinuité que Heidegger établit entre technique ancienne et technique moderne

 

En fait, il n'y a pas une discontinuité, puisque le caractère de dévoilement de l'ancienne tekné est toujours là dans la technique moderne. Seulement celle-ci a changé d'échelle - grâce à Kepler-Galilée,... et à la science moderne dont elle a permis l'émergence - un changement d'échelle d'une telle ampleur que le mode de dévoilement "poétique" de l'Antiquité est devenu la mise en demeure de la nature...

 

Mais effectivement, les grecs, les romains, les hébreux avaient déjà ce projet...

 

Ailleurs, Heidegger évoque ce mystérieux paradoxe temporel qui fait que la tekné a donné naissance à la science moderne, qui à son tour s'est faite le héraut de la technique moderne, héritière de la tekné..

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"When we are seeking the essence of "tree," we have to become aware that what pervades every tree, as tree, is not itself a tree that can be encountered among all the other trees."

Je ne savais pas que Heidegger s'était réincarné en JCVD.

:barbe:

 

Une idée s'agissant de la "technique moderne", par opposition à la technique paléo/néolitique limitée pour l'essentielle à la survie : La sélection naturelle a fait son oeuvre en favorisant les cerveaux propices à imaginer les techniques de survie.

 

Nous maitrisons ce qu'il faut pour survivre, mais la capacité est restée au bénéfice du superflu.

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Ben oui, qui "marchent" pour faire quelque chose, ça ne sort pas du chapeau ces manips sur les silex, le bronze, le fer...Il y a une causa finalis.

hum ... Dans pas mal de cas le hasard a bien fait les choses, et ensuite on s' est préoccupé de savoir à quoi ça pourrait bien servir. La chimie, l' électricité ...

Si on veut parler de causalité, faut introduire la notion de rétro-causalité alors : On trouve accidentellement un truc qui marche, puis une utilisation possible, et enfin on clame haut et fort que c' était ça qu' on cherchait à faire.

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Comment en fait, la technique gouverne chez nous une représentation du monde.

Effectivement, j'entrevois ce qu'il veut dire. Ainsi, la métallurgie du fer en supplantant celle du bronze à permis à certains peuples de dominer plus facilement d'autres qui n'avait pas ces techniques. Pour les premiers de ces peuples le monde était destiné ainsi à être colonisé.Je ne sais pas si l'exemple est bien choisi.

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Ben oui, qui "marchent" pour faire quelque chose, ça ne sort pas du chapeau ces manips sur les silex, le bronze, le fer...Il y a une causa finalis.

Je ne comprends pas ton objection.

Pour moi, la cause c'est remonter au "pourquoi" alors que la technique c'est la démarche inverse, c'est le "comment", on se fout du "pourquoi".

 

Je me demande si on (je) ne "confusionne" pas les notions de causalité et de causes (matérielle, formelle, efficiente, finale).

 

Trouver la "cause finale", il me semble que c'est remonter à l'origine par exemple le "dessein intelligent" suppose une cause finale de l'univers (l'intervention divine).

 

Mais il me semble que si je veux écraser une noix et que je choisis une pierre dans ce but, j'ai bien une intention et une finalité (manger la noix) mais ma "cause finale" est de nature bien différente de celle qu'on recherche quand on fait de la cosmologie, ou quand on discute de la cause de la "force d'inertie" ;) , non ?

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Je ne savais pas que Heidegger s'était réincarné en JCVD.
C'est marrant cette réaction de toi et d'Arthur, sur un simple exemple explicatif...Si on veut comprendre ce qu'est exactement la technique, il faut en saisir l'essence. Et celle celle-ci n'est pas technique...C'est tout.

 

On peut par exemple discuter en long et en large d'un GoTo, comment il marche, qu'on peut le débrancher si on veut, tout ça,...on ne dit rien de vraiment pertinent tant qu'on ne s'intéresse pas à ce qu'il y a derrière. Quel rapport au ciel il crée pour l'utilisateur, quelle représentation, etc...

 

Une idée s'agissant de la "technique moderne", par opposition à la technique paléo/néolitique limitée pour l'essentielle à la survie : La sélection naturelle a fait son oeuvre en favorisant les cerveaux propices à imaginer les techniques de survie.

Là, on était sur la technique des grecs...C'est tout proche de nous, pas de sélection naturelle...:cool:

 

hum ... Dans pas mal de cas le hasard a bien fait les choses, et ensuite on s' est préoccupé de savoir à quoi ça pourrait bien servir. La chimie, l' électricité ...

Si on veut parler de causalité, faut introduire la notion de rétro-causalité alors : On trouve accidentellement un truc qui marche, puis une utilisation possible, et enfin on clame haut et fort que c' était ça qu' on cherchait à faire.

 

Pas d'accord. Un truc "qui marche", ce n'est pas de la technqiue. De la physique amusante si on veut...Ca devient de la technique quand on veut en faire quelque chose, obtenir un résultat. Et là, bonjour la causalité. ;)

 

Pour moi, la cause c'est remonter au "pourquoi" alors que la technique c'est la démarche inverse, c'est le "comment", on se fout du "pourquoi".
Pas vraiment. On vise un résultat.

 

Je me demande si on (je) ne "confusionne" pas les notions de causalité et de causes (matérielle, formelle, efficiente, finale).

Peut-être... "Cause finale" sonne un peu bizarre. je préfère "finalité".

 

Mais il me semble que si je veux écraser une noix et que je choisis une pierre dans ce but, j'ai bien une intention et une finalité (manger la noix) mais ma "cause finale" est de nature bien différente de celle qu'on recherche quand on fait de la cosmologie, ou quand on discute de la cause de la "force d'inertie" ;) , non ?

Je ne comprends pas. En science, on ne cherche pas de finalité.

 

Je pense que cette expression de "cause finale" crée de la confusion.

Modifié par Jeff Hawke
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Ca devient de la technique quand on veut en faire quelque chose, obtenir un résultat. Et là, bonjour la causalité

Ce qui compte par dessus tout c' est la répétabilité. La causalité, dans le domaine technique, on s' en tape ! Il suffit de voir le nombre de "loi empiriques" qu'on rencontre dans ce domaine.

Mais, comme c'est un sujet philosophique, ça n' est pas un problème : Il suffit de changer le sens du mot "causalité" :D

Modifié par ArthurDent
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Je pense que cette expression de "cause finale" crée de la confusion.
C'est ce que j'essayais de dire plus haut.

 

Pour moi, la théorie du Tout recherche la cause finale au sens de cause ultime ou de cause originelle, bref le truc qui est la cause de tout, qui explique tout. (Pour moi, c'est un mythe, mais c'est un autre problème).

 

Je redis, avec l'antiphilosophe obscurantiste ArthurDent ;) que la finalité de la technique me parait aller dans un sens opposé : c'est le résultat qui compte, en gros, l'objectif est de ne pas se fouler ;) .

 

Exemple lorsque je bois mon thé il y a souvent, dans ma tasse, des petits brins de thé que je ne veux pas boire. J'ai remarqué qu'en remuant le thé les brins s'accumulent au centre.

 

En technicien, je brasse un coup mon thé et je le bois quand tous les brins sont gentiment rassemblés.

 

En scientifique, je ne bois pas mon thé et j'essaie de comprendre la raison qui pousse le thé à se rassembler au centre en recommençant l'expérience et en essayant de tester différentes hypothèses ... le thé est froid :) .

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Mais, comme c'est un sujet philosophique, ça n' est pas un problème : Il suffit de changer le sens du mot "causalité" :D

Ici, en l'occurence, la définition des causes telles que je les ai mentionnées, par la philosphie classique et par les grecs, est antérieure à la définition "moderne" (qui se réduit le plus souvent à la "causa efficiens"). Quand à celle à laquelle tu fais allusion, et dont "on se taperait" (*) en technique, je ne vois pas. Elle doit t'être très personnelle. :be:

 

 

(*) comme si on pouvait décider de supprimer une cause de quelque chose qui survient...

 

 

 

Je redis, avec l'antiphilosophe obscurantiste ArthurDent ;) que la finalité de la technique me parait aller dans un sens opposé : c'est le résultat qui compte, en gros, l'objectif est de ne pas se fouler ;) .

Oui, la causa finalis, la finalité (le résultat). L'histoire de la "cause ultime", avec la théorie du tout, embrouille tout (et est hors du propos, ici).

 

Exemple lorsque je bois mon thé (...)

 

Ben oui, ton exemple ne contredis pas l'analyse par les causalités de la technique saisie comme moyen...:cool:

 

Celle-ci est même en mesure d'utiliser les résultats de ta science, acquise par l'observation, pour améliorer ton process de désherbage du thé.

Modifié par Jeff Hawke
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Oui, la causa finalis, la finalité (le résultat). L'histoire de la "cause ultime", avec la théorie du tout, embrouille tout (et est hors du propos, ici).
On est d'accord. D'ailleurs je viens de lire que, pour Aristote et ses quatre causes, cause et effet sont SIMULTANES.

 

On mélange donc deux trucs incompatibles :

. la cause qui, par définition, précède l'effet et tout le baratin qui s'en suit sur la causalité,

. et la cause au sens du père Aristote qui dit : "l'airain est la cause de la statue".

 

Donc, mauvais point pour Heidegger qui confond tout :) :)

 

[aparte pour ArthurDent] Suis sûr que ton charabia.truc n'arrive pas à la cheville d'Aristote, je cite : "Tout ce qui devient, devient, par quelque chose et à partir de quelque chose, quelque chose" :) :) :) [/aparte]

Modifié par ChiCyg
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On mélange donc deux trucs incompatibles :

. la cause qui, par définition, précède l'effet et tout le baratin qui s'en suit sur la causalité,

. et la cause au sens du père Aristote qui dit : "l'airain est la cause de la statue".

 

Pourquoi incompatibles ? Pour que la statue soit, il faut l'airain (la matière), la forme, la finalité (but de la statue, ou simplement envie de la faire), et celui qui la fait...

 

 

donc, mauvais point pour Heidegger qui confond tout :) :)

 

Non, il ne confond pas tout, au contraire, il analyse plus finement ces 4 causes d'Aristote, dont la dernière est devenue ultérieurment la causa efficiens, mais qui, du temps d'Aristote, était le savoir-faire, l'art, la tekné, ce qui "fait venir" la statue à partir des 3 causes précédentes (matière, forme, finalité). :cool:

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Pourquoi incompatibles ?
Parce que rechercher le lien de cause à effet permet de "remonter" à la cause et est, je crois, l'objet de la science.

 

Mais cette cause là n'a rien à voir avec les causes d'Aristote qui sont SIMULTANEMENT présentes : pour lui la statue est à la fois forme, matière, efficience et finalité. Ca lui permet de distinguer par exemple les choses incorruptibles qui n'ont que trois causes, pas de cause matérielle comme les objets supra-lunaires ...

 

Bref, Aristote ne me parait pas très "efficient" pour parler de technique.

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Bref, Aristote ne me parait pas très "efficient" pour parler de technique.
N'ayant pas lu Aristote, je ne pourrais en dire beaucoup plus que ce que relève Heidegger. Au contraire de toi, il pense justement qu'Aristote (et Platon,et quelques autres qui n'étaient pas des tanches pour réfléchir ;)) nous en apprend plus sur ce qu'était la Tekné d'alors, que ce que nous croyons voir aujourd'hui dans la Technique (qui ne serait qu'un simple instrument...alors qu'il est relativement aisé de se rendre compte à quel point elle structure notre vision du monde, et du coup, notre monde, au delà de toute notion d'utilité).

 

Le fait qu'à l'époque elle était bien comprise comme un savoir-faire, un art, associé à une connaissance, nous donne une indication sur sa nature autre que simplement instrumentale.

 

Edit : Avant de trouver le temps de rédiger la suite de la présentation du cheminement d'Heidegger, je compléte ce point crucial du dévoilement avec un extrait illustratif de la conférence :

 

Qui construit une maison ou un bateau, qui façonne une coupe sacrificielle dévoile la chose à pro-duire suivant les perspectives des quatre modalités du "faire-venir". Ce dévoilement rassemble au préalable l'apparence extérieure et la matière du bateau ou de la maison, dans la perspective de la chose achevée et complètement vue, et il arrête à partir de là les modalités de la fabrication. Ainsi le point décisif, dans la tekhnè, ne réside aucunement dans l'action de faire et de manier, pas davantage dans l'utilisation de moyens, mais dans le dévoilement dont nous parlons. C'est comme dévoilement, non comme fabrication, que la tekhnè est une pro-duction.

Modifié par Jeff Hawke
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Au contraire de toi, il pense justement qu'Aristote (et Platon,et quelques autres qui n'étaient pas des tanches pour réfléchir )
Ne te méprends pas, j'essaie de comprendre (et en particulier ce qui TE parait passionnant dans cette approche) même si je me permets de faire un peu d'humour, après tout c'est pas si grave ...

 

Pour le peu que je crois avoir compris les 4 causes d'Aristote ont très peu de rapport avec la notion de cause dans la relation de cause à effet.

 

Pour ce qui concerne la technique qui structure notre vision du monde, il me semble que ce n'est pas très différent pour nous et pour ceux qui nous ont précédé. L'homme de Cro Magnon ne voyait-il pas dans telle ou telle région d'abord une mine de silex, là où nous ne voyons qu'un joli paysage (c'est un progrès :) ). Le bûcheron voit-il dans la forêt autre chose que des fûts pour fournir la scierie, aujourd'hui comme jadis ?

 

D'ailleurs, le citadin moderne ne voit dans la campagne que de la poésie, là où les générations précédentes rurales avaient une vision utilitariste (possibilités d'exploitation agricole des paturages, champs, bois, vignes, vergers).

 

Bref, je n'arrive pas à voir ce qui te parait fondamental. :cry:

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L'homme de Cro Magnon ne voyait-il pas dans telle ou telle région d'abord une mine de silex, là où nous ne voyons qu'un joli paysage (c'est un progrès :) ).
Oula ! Je ne crois pas du tout, mais alors pas du tout, que l'homme de Cro Magnon portait un tel regard "économique" sur la nature... J'ai peine à croire que tu le penses, d'ailleurs... Ou alors, c'est que l'intoxication culturelle par l'économie et l'utilitarisme est profonde...:be:

 

D'ailleurs, c'est tout le propos d'Heidegger de montrer que cette vision de la nature comme un fonds à exploiter est récente (voir la suite du fil).

 

Pas besoin d'ailleurs de convoquer Cro Magnon. il suffit de considérer la culture des amérindiens, et leur rapport à la nature, certainement pas perçue par eux comme une réserve à exploiter.

 

Le bûcheron voit-il dans la forêt autre chose que des fûts pour fournir la scierie, aujourd'hui comme jadis ?

Aujourd'hui, oui. Jadis (avant Gâtines, qui a scandalisé Ronsard "écoute bücheron, arrête un peu le bras"), non. :cool:

 

D'ailleurs, le citadin moderne ne voit dans la campagne que de la poésie,
Ah bon ???:b:
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2 L’arraisonnement (pp 21-30)

 

Ayant, par ce retour aux grecs anciens, caractérisé la technique moderne comme un dévoilement, Heidegger cherche à préciser ce type de dévoilement, qu’il décrit comme une mise en demeure de la nature. Il donne notamment l’exemple de la centrale hydroélectrique du Rhin, dans laquelle le fleuve est littéralement muré, et sommé de fournir son énergie.

 

Ce qui l’amène à introduire l’idée du fonds (Bestand, standing reserve), qui est la façon dont est dévoilé le monde par la technique. Le monde, interpellé par la technique moderne est dévoilé comme un fonds, et l’homme est à son tour inclus dans ce fonds.

 

C’est cette relation particulière, créée par la technique, de l’homme avec le monde, qu’Heidegger appelle l’arraisonnement (Gestell, enframing). Des traducteurs français plus récents préfèrent traduire Gestell par dispositif. Personnellement, je trouve arraisonnement plus riche, plus parlant.

 

Ici, il compare cet usage « étrange » d’un mot concret (Gestell, qui est en allemand une étagère, un squelette,…) pour un concept abstrait, l’essence de la technique, à ce qu’a fait Platon avec eidos (forme, ce qui se voit) pour arriver à l’idée (ce qui est justement caché…).

 

La comparaison entre le mode de dévoilement de la Poiésis, et l’arraisonnement conduit à montrer que la technique utilise la science moderne qui a rendu la nature calculable, mathématisable, pour ce dévoilement qui est une mise en demeure.

 

Il revient sur ce point important : L’essence de la technique est antérieure à l’apparition de la science moderne, bien qu’apparemment, on pourrait penser que la technique moderne est fille de la science moderne.

 

Heidegger souligne bien ce fait un peu mystérieux, que l’essence de la technique est quelque chose de très ancien, et qu’elle a trouvé dans la physique moderne son héraut pour se développer et s’imposer…

 

Mais (allusion à la conférence d’Heisenberg de la veille), la physique moderne, quantique, a revu ses ambitions à la baisse, et ne sait plus rendre compte du monde objectif, seulement de notre rapport au monde…(Il y aurait donc ici un tournant pour la technique, et sa façon de mettre en demeure la nature…Remarque perso)

 

L’essentiel étant, pour Heidegger, que la physique moderne présente toujours à la technique une nature calculable (même si sa prétention à rendre compte du réel s’est rétractée, ce qu’Heidegger assimile à une rétractation de causalité), nature qui peut donc toujours être arraisonnée. :cool:

Modifié par Jeff Hawke
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l’arraisonnement conduit à montrer que la technique utilise la science moderne qui a rendu la nature calculable, mathématisable, pour ce dévoilement qui est une mise en demeure.

Essayons de traduire le charabia, en fonction des clés du code noyé dedans :

Si l' appareil fonctionne, c' est parce que l' ingénieur qui l' a conçu ne s' est pas planté dans ses calculs.

 

Je dirais : Pas toujours. Dans certains cas, le dévoilement qui est une mise en demeure est concommitant à l' utilisation par la technique du chamanisme post-moderne par le biais de l' arraisonnement quasi-aléatoire, tel un effet placébo mécanique*.

 

 

 

 

 

*: A toi de jouer, et d' essayer d' exprimer en termes clairs l' idée contenue dans la phrase.**

 

**Je certifie qu'il y en a une ;)

Modifié par ArthurDent
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Si l' appareil fonctionne, c' est parce que l' ingénieur qui l' a conçu ne s' est pas planté dans ses calculs.

En disant cela, tu passes totalement à côté de la question, car tu n'envisages que l'aspect instrumental de l'appareil, la seule technique comme moyen.

 

Or, ce dont il est question dans le fil, c'est de l'essence de la technique. C'est elle qui est un dévoilement, pas l'appareil...:cool:

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Pour les premiers de ces peuples le monde était destiné ainsi à être colonisé.Je ne sais pas si l'exemple est bien choisi.
Je pense que l'exemple est intéressant, parce qu'il montre de façon évidente la dimension non technique cachée derrière l'innovation, et la non neutralité des moyens...

 

Ici, on touche à la guerre, donc à l'Histoire, Heidegger l'évoque un peu plus loin dans sa conf, en parlant de l'envoi du destin (comme l'essence de la technique nous "envoie sur un chemin").

 

Mais il ne développe pas (il a du le faire ailleurs).

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