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2006, l'odyssée a(u)strale : (7) Quand j'étais astronome


Jeff Hawke

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Quand j’étais astronome

 

Episode précédent : This is the end, beautiful friend

 

Johannesbourg International Airport

 

Il y a deux heures d’escale ici. Nous restons dans la zone de transit international après la bousculade au aux guichets des correspondances internationales. Profitant de ma carte Air France (*), je vais passer un moment au business lounge : Bière, presse française après 15 jours sans aucunes nouvelles. Il ne s’est rien passé. Je retrouve ensuite le reste du groupe pour embarquer sur le 747 qui doit nous exfiltrer du paradis des astronomes pour nous réinjecter en orbite boréale tempérée.

 

Lost in translation

 

10 heures de vol, pas de décalage horaire, voici Roissy. La douane, les tapis à bagages…Les étoiles s’éloignent maintenant rapidement de notre monde. Le défilé des sacs, valises et malles commence. Je récupère le pied de la TeleVue…Les minutes passent et les rangs commencent à se clairsemer au fur et à mesure des prélèvements opérés sur les bagages. Au bout d’un moment, seuls Sébastien et moi attendons encore nos sacs. En pure perte, ils sont “retardés” comme l’expriment pudiquement les compagnies aériennes qui égarent les bagages des voyageurs après les leur avoir confisqués lors de leur embarquement. Solidaires, Fred, Xavier et Cyril nous attendent tandis que nous nous rendons au bureau de réclamations pour bagages à l’Ouest. C’est ennuyeux de ne pas avoir son sac, mais moins au retour d’un voyage qu’à l’aller. Je reste serein et d’humeur égale, sans doute rendu philosophe par quinze jours de ciel étoilé et une nuit de sommeil léger en avion. Et aussi parce que j’avais mes naglers et mes jumelles Canon avec moi. J’ai aussi récupéré le pied (mais pas la monture TelePod qui est dans mon sac). Sébastien est moins chanceux, il avait son télescope en soute.

 

Le dialogue avec l’employée d’Air France se passe bien, sans doute favorisé par ma calme amabilité (soyez souriant dans ce genre de situation où vous avez affaire à des personnes qui passent leurs journées à affronter des clients mécontents…Cela les change agréablement, c’est mieux pour tout le monde, et ça ne peut qu’améliorer le traitement de votre problème…). Quand il s’agit de donner des indications sur le contenu du sac pour favoriser l’identification, j’ai un peu de mal à décrire la monture TelePod (un morceau de ferraille noir sur lequel on fixe une lunette, qui se fixe sur un trépied, oui ça vaut cher, non ce n’est pas évident à identifier pour quelqu’un qui ne sait pas du tout ce que c’est…), et me rabats sur les bouquins (SF, atlas des étoiles…), ce qui fait dériver la conversation sur l’astro. “La Namibie, c’est pour ça que vous y êtes allé ?” “Oui…” “J’ai un fils de 16 ans, passionné d’astro, vous pensez qu’il aimerait ?” “Ah, c’est sûr que ça devrait lui plaire…”…etc… J’en oublie de jouer mon rôle de passager énervé d’avoir perdu son bagage.

 

Mon sac finira par arriver chez moi 10 jours plus tard, vers minuit (!). J’avais commencé à faire mon deuil de la TelePod (ça se rachète), de mon Sky Pocket Atlas, du Sue French…et de mes notes sur lesquelles je comptais, pour assommer les webastriens de CROAs denses et indigestes. Et je m’essayais à la publication de courts mémo-CROAs, intéressant exercice pour se recréer mentalement les visions australes remarquables, mais qui risquait de devenir un peu frustrant et vain à la longue.

 

La Lune sur la Grande Arche

 

Un matin beau et clair de septembre, vers 7h30…Je sors de la station RER de La Défense, sur la dalle. Au-dessus de la laideur de béton prétentieuse, dominant la vacuité du monde des affaires, réinsérant l’éternité dans ce monde précipité, un croissant de Lune.

 

 

Orion au balcon

Un autre matin de semaine en septembre, tôt, c’est encore la nuit, je sors sur mon balcon prendre la température du ciel parisien. Il fait frais et dégagé. Et je vois Orion face à moi, au Sud, au-dessus des toits. Le même Orion qui se levait dans la nuit au-dessus du Kalahari. Cette constellation est tellement triomphale que même la ville lumière n’en vient pas à bout. Rigel, Betelgeuse, Bellatrix et la quatrième là, quel nom déjà ?…, la ceinture, l’épée…L’avoir vue sous un ciel quasi-parfait ne retire rien à la satisfaction de la revoir sous un ciel désastreux. Au contraire. La connivence avec celles qui deviennent, observations après observations, des figures familières du ciel, est sortie encore renforcée par ces nuits hors norme. Retrouver Orion ici est un plaisir. Le sentiment de l’univers beau et immanent, le cadre majestueux de nos vaines agitations.

 

 

Comment continuer ? Où aller ? Que faire ? (Comme s’interrogeait Vladimir Illitch Oulianov il y a une centaine d’années)

De seulement regarder un atlas, une carte du ciel de là-bas, me réimmerge…Je sens le froid, je perçois l’espace ouvert, illimité du désert du Kalahari.

 

Le plaisir de l’observation du ciel ne se quantifie pas, («La poésie est la partie de l’homme réfractaire aux projets calculés» René Char). Partant, le degré d’exigence ne devrait pas monter au fur et à mesure d’une qualité croissante des ciels pratiqués. C’est le même sujet avec le diamètre : Selon une approche quantitative de comptable, une fois observé avec un 200 ou un 300, il serait impossible de prendre plaisir aux observations faites avec une lunette de 80 ? Allons donc ! J’ai passé des nuits splendides en Bretagne avec ma TV76 (dont quelques unes cet été, fin juillet, avant l’austral. Le CROA est en attente…). Bien sûr je n’allais pas chercher des galaxies évanescentes…Autres latitudes, autres plaisirs…

 

Lassitude ? Relisant mes notes de la fin du séjour, et maintenant que je suis depuis presque deux lunes dans la grande ville, j’hésite à les retranscrire de crainte de l’incompréhension, à commencer par la mienne. Eh oui, sous un ciel éternellement étoilé, avec cette disponibilité incomparable d’action, de lieu et de temps que donne les vacances, comment exprimer un tel début de lassitude ? Alors que dans mon bureau à La Défense, observant les édifices de béton et de verre, je rêve déjà de retourner là-bas, dans un, deux, trois ans ?...

 

 

(*) Ces cartes dites de “fidélisation” m’amusent. J’ai pour habitude d’en prendre une de chaque compagnie aérienne avec laquelle il m’arrive occasionnellement de voyager…Ce qui n’est pas à proprement parler de la fidélité au sens strict. Certes, je n’accumule pas de miles sur toutes, mais la simple possession de la carte suffit en général pour obtenir quelques avantages en passant.

 

Fin de l’odyssée, prochain post incertain : De la description de quelques objets remarquables, et avec des croquis.

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Ah Jeff, ce spleen post vacances a(u)strales, j'imagine bien, déjà que j'ai du mal à me remettre d'un passage au Brabant Wallon en regardant un (certes majestueux) Orion depuis mon toit.

 

Curieux pour la suite, les croquis, des scans de ton carnet de notes...c'est gai de voir que l'odyssée continue quand on pensait que c'était le dernier épisode.

 

Patte.

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C'est ça le bonheur : des moments de bonheur. Des espaces de temps privilégiés... et il y a après. Oh, je te fais confiance, je sais bien que tu prends ces jours comme un capital-bonheur :p qui va te faire attendre le prochain envol dans la joie intérieure de ceux qui ont l'avantage de pouvoir dire "je sais, je connais!"

 

Et puis qui sait, peut être y aura t-il une grande panne de courant cet automne, à la faveur d'une tempête exceptionnelle?

 

:be:

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Curieux pour la suite, les croquis, des scans de ton carnet de notes...

 

Va falloir que je rebranche le scanner et relise le mode d'emploi...:confused: Aujourd'hui, mon effort cybernétique a consisté à chainer les posts en mettant les liens avant - arrière... :be:

 

Et puis qui sait, peut être y aura t-il une grande panne de courant cet automne, à la faveur d'une tempête exceptionnelle?

 

Ca viendra...Tempête ou privatisation d'EDF...Le noir total sur Paris :rolleyes:

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Il n'y a pas de poésie particulière dans ton CROA mais avec ces quelques mots, on sent fort bien que tu as, maintenant, un autre regard sur les étoiles. Un regard que le commun des astrams ne connaîtront jamais (dont moi ^^)

 

Toutefois cette merveilleuse panne restera du domaine de l'utopique je pense, surtout si on compte qu'elle soit généralisée sur la France entière. Ce qui somme toute serait merveilleux !

 

Si en plus, on sait quand elle pourrait se produire, cela nous permettrait de préparer tout notre petit matériel, tranquillement et de profiter au maximum de cette nuit noire miraculeuse ! :D

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L' application de la Loi de Murphy au premier ordre laisse penser que si une panne totale d' éclairage public survient (j' espère que malgré la privatisation le système de controle d' EDF permettra de continuer d' alimenter les hopitaux), celle-ci se produira un jour de pleine Lune ou bien par ciel couvert ;)

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Si en plus, on sait quand elle pourrait se produire,

 

En Hiver, au milieu d'une vague de froid (potentialité d'une 20aine de jours possibles, qui correspondent aux anciens contrats EDF de type EJP - "écrêtement jours de pointe" -, doit y avoir des statistiques disponibles chez EDF).

 

j' espère que malgré la privatisation le système de controle d' EDF permettra de continuer d' alimenter les hopitaux

 

Les hôpitaux disposent de leurs groupes électrogènes pour les parties sensibles (blocs opératoires, machines à café,...)

 

il y aura toujours des bâtiments sous groupe électrogène

 

Oui, mais en général les éclairages dispendieux et réverbératoires ne sont pas sur les alims protégées par onduleurs et groupes... ;)

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ça ressemble au baby blues ce que tu décris jeff :D

 

pour la panne d'électricité les sites sensibles ont leurs groupes électrogènes et les malades à haut risques vitaux sont répertoriés (préfecture) et bénéficient d'un régime spécial... ;)

 

Ceci dit comme dit Jeff, une bonne grève avec coupures sauvages, pour les élections ça peut se faire, je connais quelques délégués syndicaux si vous voulez, je leur parlerai de protection du ciel nocturne :D

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J'ai lu l'intégralité de l'odysée. C'est époustouflant, quelle verve, quelle aventure !

 

S'il est une chose pour un européen qui doit laisser pantois, à l'oeil nu, c'est déjà le ciel du sud je pense. Quelle chance !

Je pense aussi à la quantité astronomique (s.v.v) d'objets observés, joli tableau de chasse.

 

Moins cher qu'un avion, qu'un train ou qu'un bateau, mais tout aussi dépaysant, lisez Jeff.

 

J'applaudis à deux mains*.

 

* : oui je sais applaudir à une seule main, c'est très amusant.

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, une bonne grève avec coupures sauvages, pour les élections ça peut se faire, je connais quelques délégués syndicaux si vous voulez, je leur parlerai de protection du ciel nocturne :D

 

L'observation astronomique est une activité sereine et pacifique, la guerre, fût-elle sociale, ne saurait donc être son terreau.

 

En plus les coupures (sauvages ou domestiques) donnent des arguments aux partisans de la privatisation. Outre qu'elles relèvent clairement d'un abus de pouvoir, elles sont aussi contre-productives.

 

Non, nous aurons la panne, calme et de grande ampleur, démonstration de la faillite du système libéral quand il s'agit de gérer le bien commun. Et le ciel en récompense l'espace de quelques heures... ;)

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Le retour à la "civilisation" avec ce qu'elle a d'artificiel et de dérisoire, semble être pour toi une authentique souffrance.

C'est à l'aune de cette souffrance qu'on mesure le mieux ton bonheur d'avoir été là-bas.

La qualité de ta prose est directement proportionnelle à tes émotions, et rien que pour ça: bravo!!!

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Le retour à la "civilisation" avec ce qu'elle a d'artificiel et de dérisoire, semble être pour toi une authentique souffrance.

 

Oui, euh... clairement c'est plutôt la sensation d'être privé de ciel, une "souffrance" (terme probablement un peu surpondéré) d'un point vue astronomique...

 

Parce que sinon, j'aime bien les villes, les grandes même et surtout, Paris étant à mon sens une des plus belles du monde (bien qu'attaquée dans les dernières décennies par la modernité, elle résiste...).

 

Il est clair par contre que la "civilisation", quand elle désigne notre monde humain actuel, basé sur les échanges marchands, et qui commet des endroits comme La Défense...même sans nostalgie céleste, je lui porte un regard peu amène. :cool:

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