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2006, l'odyssée A(u)strale (6) : This is the end, beautiful friend


Jeff Hawke

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This is the end, beautiful friend

 

Episode précédent : Jours tranquilles à Tivoli

 

L’adieu au Dob 500

 

Dimanche 27 Août. Depuis quelques jours, la Lune a commencé de progressivement remonter, comme une annonce discrète, mais insistante, de la fin prochaine du séjour.

 

J’ai débâché le monstre, aligné le Telrad, retouché la collimation. Je suis seul sur mon spot, pour la dernière nuit avec ce compagnon de voyages célestes. Pour cette ultime nuit à 500 mm, j’ai préparé un programme de galaxies groupées, à ajouter à ceux que j’ai déjà observés dans Grus, Dorado, Piscis Austrinus, Fornax…et que je vais bien entendu retourner voir. Il m’en faut, pour chaque nouvelle recherche, au moins deux, si possible trois ou quatre dans l’oculaire. J’ai la liste, avec les numéros des cartes Sky Atlas 2000 en regard, lesdites cartes étant soigneusement empilées dans le bon ordre sur la table pliante. Tetec n’est pas là pour f…le bordel dans ces cartes, ça se présente donc bien.

 

La nuit est là, un petit croissant de Lune nous nargue encore un moment avant de disparaître piteusement à l’Occident.

 

Après les visites de courtoisie habituelles, NGC5628, Boite à Bijoux, amas et galaxies dans Centaurus, Lupus, …j’attaque les groupes galactiques…

 

Voici quelques unes des prises remarquables de cette nocturne fin de séjour.

 

Toujours le long de ce fleuve impressionnant, l’Eridan, il y a le trio 1297-1300-1301, dominé par 1300 qui reste assez faible mais dont on perçoit clairement deux bras et un noyau un peu plus brillant que le halo. Puis 1400 et 1407, deux galaxies faces, avec noyaux et halos. Et enfin, 1531-1532, 1532 vue par la tranche et de forme assez allongée et 1531 toute petite, très proche de1532.

Par contre, plus tard dans la nuit, je ne parviendrai pas à attraper, près de Rigel, un quadruplet (1723-1721-1725-1728) qui se dérobe obstinément malgré un balayage intensif de la région au sud de 63 d’Eridan.

 

Le Poisson Autral (Piscis Austrinus) :

  • 7130 - 7135 : Noyaux et halos bien perceptibles, 7135 est étendue.
  • 7201 - 7203 : Un autre couple.
  • 7313 - 7314 : 7314 a un noyau bien distinct, 7313 elle, est minuscule.

Et, en se rapprochant de cieux plus familiers, dans Aquarius :

  • Un couple 7727 – 7724, avec un noyau brillant pour 7727 et un halo étendu.
  • 7723 pas loin au Sud, un joli halo un peu allongé et un centre brillant.
  • Un quadruplet 7184 - 7180 - 7185 - 7188
  • 7706, également allongée, proche des 3 Psi. Jolie, mais cette galaxie ne répond pas au cahier des charges défini pour cette nuit. Elle est seule.
  • ..et au passage, la nébuleuse Helix, magnifique double anneau à la teinte bleutée.

Et bien sûr, le Messier de la soirée, dans les Poissons (Pisces), 74ème du nom. Une galaxie ronde, de face.

 

J’ai été aussi chercher, dans l’amas du Fourneau, maintes fois parcouru depuis deux semaines, NGC1427, une galaxie brillante présentant un halo allongé et un noyau central presque ponctuel.

 

Pour finir, un petit plaisir en arrivant à trouver, dans Andromède, non loin de Blue Snowball, la faible et très allongée galaxie NGC7640, jamais trouvée auparavant dans le Nord (il faut bien que cela serve de venir si loin au Sud) malgré plusieurs tentatives au 200 et au 300. Ici, c’est presque trop facile.

 

La fatigue est là, et vers 3 heures du matin, je suis couché après avoir bâché une dernière fois le 500. Demain, il retrouvera sa place dans la bibliothèque, après un bref transfert en mode brouette.

 

Final apochromatique

 

Lundi 28. Un joli croissant de Lune à l’heure du dîner. J’ai ressorti la TeleVue76 de son sac souple rembourré de mousse, l’ai installée sur sa monture azimutale (on reste désinvolte, malgré la chute dramatique en diamètre), deux vis à serrer à la main, dévisser la protection de lentille frontale, tirer le pare buée (ici, nul besoin d’ajouter un pare buée de carton, efficace sous nos latitudes mais d’une esthétique douteuse), positionner le 31 sur le renvoi coudé (on dit alors que la lunette est « sur son 31 »), aligner le Quick Point d’un coup de tournevis cruciforme (emprunté à Cyril, bricoleur devant l’Eternel), et c’est parti pour les grands champs cosmiques.

 

En plus du 31, avec la TeleVue j’utilise les oculaires de 9, 5 et 3.5, ce qui me donne jusqu’à 137 fois de grossissement. Ce n’est plus la même musique qu’avec le 500. Mais c’est beau. Quel piqué !

 

Parmi les cibles qui se prêtent à la vision en grand champ :

  • M24, petit univers contenant amas ouvert et nébuleuses obscures.
  • La fausse comète dans la queue du Scorpion. C’est magnifique, composé d’une double (Zéta) brillante, orange et blanc, un premier amas ouvert serré (NGC6231) et un second (Trumpler 24) plus étendu. Plutôt qu’une queue de comète, j’y vois un alligator vu de dessus, avec Zéta pour les yeux étincelants et inquiétants, et un corps ondulant orné d’écailles brillantes..
  • Les nuages de Magellan, naturellement, placés dans le ciel tout exprès pour être observés avec un Nagler (Principe Grand-Champiste faible).
  • Les nébuleuses obscures Snake et Dark Lane (dans Musca).
  • Les 2 galaxies, longues à n’en plus finir, du Sculpteur (NGC55 et NGC253)
  • Toujours dans le Sculpteur, NGC7793 proche de l’amas ouvert Blanco 1, ovale et un peu faiblarde après les observations au 500, mais bien là quand même. A noter que Sue French consacre 2 pages au Sculpteur (Sculpting at the South Galactic Pole, pp158-159).
  • M16 et M17 avec filtres OIII. J’ai enfin clairement vu l’aigle dans la forme de M16.
  • Helix, avec l’étoile centrale perçue (pas facile…) en vision décalée.
  • M20 filtrée (OIII ou UHC, no me recordo), Trifide absolument magnifique, renversante. Je fais partager la vision à Cyril de passage sur le spot, ainsi qu’à TeTec.
  • Toadstool (le champignon vénéneux)… Ah, ah ! Vous ne connaissez pas… Voir Sue French page 135, un astérisme dans le Dauphin. Ne reculant devant aucun effort, je le dessine.
  • Et naturellement, les australes usuelles qui se révèlent sous un jour différent à la petite apo : Eta Carina (+IC2602, NGC3532, NGC3293), la Poule qui court, les Pleïades australes, la Boite à bijoux qui est un joyau (!) à la TV76, une image ciselée…

La désinvolture devient la règle au cours de cette pénultième nuit, s’imposant à la faveur de la fatigue accumulée et de ce ciel de magie. Je ne note plus mes observations, ne consulte plus les atlas… Je navigue là-haut, m’arrêtant aux étoiles colorées, aux amas ouverts et aux astérismes anonymes.

 

Un peu étourdi de froid et de manque de sommeil, je plie vers 2h30, commençant à ressentir la tristesse de la fin qui approche. Demain mardi, la nuit sera brève, coincée entre une Lune affirmant son triomphal retour, et la nécessité de se lever tôt le mercredi pour prendre la route de l’aéroport.

 

Dernière nuit : Effondrement

 

Je relève dans mon carnet de voyage : Mardi 29 Août, 23h25, j’ai plié tôt. Attendu que la Lune se couche pour constater que j’étais trop fatigué et saturé de ciel pour rester la nuit à observer…La TeleVue76 est petite…Je suis un peu fatigué de pointer, chercher sur les cartes, repérer, chercher…14 nuits astronomiques d’affilée, c’est beaucoup, beaucoup… Demain, debout à 7h et bagages à boucler…Un tel séjour, « déraisonnable », est peut-être une façon d’aller un peu au bout d’une espèce de « folie »…

 

Bref…Il est de toutes façons clair que vivre une passion déraisonnable de façon raisonnable reviendrait à se construire un tombeau d’ennui et de désillusion.

 

Bon, qu’ai-je vu en cette brève soirée ? Le « crocodile », qui est décidément très beau, qui étincelle. M6 dont l’aspect papillon est flagrant. Le petit amas NGC6603 dans M24. Scutum et M11 / M26. Et un peu d’austral, que Diable ! Melotte 227 dans Octans, un grand amas ouvert.

 

Vol BA6274 pour Johannesbourg

 

La mécanique du retour s’est enclenchée le lendemain matin à 7 heures. Réveil. Bagages. Bien réfléchir à ce qui part en soute, ce qu’il faut conserver par devers soi : Oculaires, Jumelles, la lunette, de quoi lire et écrire en cas d’insomnie d’aéronef…Le petit déjeuner, toujours copieux et délicieux, mais plus tôt que d’habitude. 2 heures de route quasi rectiligne à travers le Kalahari vers Windhoek.

 

A l’aéroport, Reinhold nous offre un pot. Je bois une bière, ce sont les premières gouttes de boisson alcoolisée que j’absorbe depuis deux semaines. Quel étrange séjour et quelles vacances inhabituelles ! La passion astro a pris le pas sur toutes autres choses durant ces 15 jours. Retour progressif à la « vie normale » à prévoir.

 

Avant d’embarquer, on procède au petit sondage sur le ciel, dont j’ai déjà parlé un peu avant dans cette série A(u)strale. J’ai oublié les résultats…

 

Décollage en début d’après-midi. Petite collation (correcte, j’ai été surclassé en Business Class grâce à ma carte British Airways…). Petit somme. Atterrissage en fin d’après-midi à Jobourg International Airport.

 

Episode suivant : Quand j’étais astronome

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this is the end, my only friend, the end...;)

 

Fantastique Jeff, j'adore ce récit : vite le bouquin, le bouquin !

 

quand on se dit qu'on est entouré de milliard de galaxies, tes récits m'ont donné l'impression de faire un tour d'horizon complet :merci:

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Quelle odyssée !

Ce fut un plaisir à lire et ça laisse rêveur. Quelle expérience astronomique peut-on imaginer après ça?

  • un voyage dans les andes, avec un 1000 à disposition bien ententendu.
  • la découverte des observatoires de l'ESA (sûrement passionnant mais le sentiment de liberté ne serait peut-être pas aussi fort).
  • un séjour sur MIR (bof, observer à travers des hublots --- y en a-til sur MIR ? --- rappelle étrangement les observations à travers le velux).

 

Sur ce, je m'en vais rejoindre mon balcon, site privilégié s'il en est. Programme : recherche de la comète SWAN.

Problème : pollution lumineuse intense, je ne vois que VEGA sans instrument.

Solution : sortir l'autruchon sur la place imprimer la toile de maître signée par Gérard, se placer à une distance de 100m et le tirer au calibre 12 l'observer au 12mm :p

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Solution : sortir l'autruchon sur la place imprimer la toile de maître signée par Gérard, se placer à une distance de 100m et le tirer au calibre 12 l'observer au 12mm :p

Je sens comme un fantasme délétère pour la gent à plumes....:mad:

Me trompe-je?

 

:langue15:

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légèrement. Quand j'ai regardé ton dessin je n'ai pas pu m'empêcher de songer à ce que tu avais vu à l'oculaire. C'est qu'elle a l'air ÉNORME cette comète ! Il faut dire qu'à 200m d'altitude, 300 si je gravis les marches du point culminant à 50km à la ronde, ie., le relai TV, et avec 100mm de diamètre elle serait sûrement moins impressionnante qu'à 2500m avec un 200mm et un ciel pur.

J'aimerais beaucoup l'observer mais en ce moment elle dans Hercules et une fois qu'elle sera dans l'aigle en fin de mois, la constellation aura disparu derrière l'immeuble de droite. En plus elle sera bien faible : mag. 11,3 si j'en crois S&T de novembre p.60.

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vivre une passion déraisonnable de façon raisonnable reviendrait à se construire un tombeau d’ennui et de désillusion.[/font][/size]

 

 

Je la note, celle-là ! Excellent ^^

 

Merci encore de partager tout ça avec nous, Jeff.

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A bientôt dans le Luberon, Jeff!

:)

Oui, dans sept lunes...

 

C'est déjà fini

 

Encore un chapitre...

 

Quelle expérience astronomique peut-on imaginer après ça?

 

Oui, c'est l'objet des mes réflexions parisiennes depuis le retour. Mais la constellation d'Orion etait belle tôt le matin en septembre au-dessus des immeubles parisiens. Une beauté qui défie les lieux.

 

quand on se dit qu'on est entouré de milliard de galaxies, tes récits m'ont donné l'impression de faire un tour d'horizon complet

 

Merci pour ce compliment, qui est quand même fort exagéré...;) Il n'est que de regarder les Dessino-CROASs de Xavier pour mesurer l'ampleur de mon amateurisme...

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Merci pour ce compliment, qui est quand même fort exagéré...;) Il n'est que de regarder les Dessino-CROASs de Xavier pour mesurer l'ampleur de mon amateurisme...

 

seul le terme "complet" est exagéré jeff : quand je relis la liste de galaxies que tu t'es enfilé, ya de quoi donner le tourni : ça justifie bien le terme de tour d'horizon et 'tain qu'ça donne envie :)

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Qu'ouïs-je ? Qu'entends-je ? Qu'apprends-je ? Même en Namibie ils ont la Lune ???? Du coup ça casse le rève... :(

 

Ah, quel plaisir de lire tout ça ! Ton texte est plein de nostalgie, et j'aime bien la nostalgie, parce qu'elle signifie qu'on a vécu quelque chose de beau. Tout ça donne envie !

 

Je suis agréablement surpris de découvrir le nom de tes cibles. Même Blanco 1 ! Toi aussi, apparamment, tu as préparé ça minutieusement. La preuve que l'astronomie désinvolte, il n'y a rien de tel pour progresser ! (et puis quand on a un ciel de qualité, on progresse plus facilement... :) )

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Trumpler 24, Toadstool, la Poule qui court, Melotte 227, Vol BA6274 (ah non pas celui-là...) que d'astres inconnus pour nous autres, les terriens du nord.

La Namibie fut en fait (dis moi si je me trompe) un dépaysement total, tout y est différent : la nature, les gens, la langue, le ciel, le mode de vie très particulier que vous aviez (et que même les Namibiens n'ont pas...) ça donne une dimension extra-ordinaire à ton périple que tu as très judicieusement nommé "Odyssée Australe".

Encore bravo pour tes récits limpides.

PS : n'oublie pas dans l'épisode 7 de faire les liens vers les 6 épisodes précédents.

:)

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Ben ça me fait tout drôle de te voir écrire que c'est fini ...

 

C'est vraiment fini :?::(

C'est qu'on y avait pris gout à ces aventures australes ... Qu'on aimait ça et qu'on en redemandait ... Encore et encore ...

 

Merci de nous avoir fait partager un peu de ton rêve devenu réalité ... Maintenant c'est nous qui avons un rêve à cause de toi ... ;)

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Ah... M15 et ses étoiles orange :rolleyes: !

 

Bon, il faut que la série continue, alors nous avons le choix: soit nous nous cotisons pour offrir un an de congés en Namibie à Jeff, soit Jeff nous invite tous en Namibie.

 

Qu'est ce qu'on décide?

 

:?:

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Ah... M15 et ses étoiles orange :rolleyes: !

 

Bon, il faut que la série continue, alors nous avons le choix: soit nous nous cotisons pour offrir un an de congés en Namibie à Jeff, soit Jeff nous invite tous en Namibie.

 

Qu'est ce qu'on décide?

 

:?:

 

la 2, non ?

 

Ah mais le champipi il est à notre portée :) .

 

Faudra pas l'oublier quand on passe dire coucou à M15.

 

Patte.

Ah oui, il est dans le Dauphin, j'ai mal zieuté.

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un an de congés en Namibie à Jeff, soit Jeff nous invite tous en Namibie.

 

 

Un an en Namibie, ça le fait pas... Saison des pluies, très chaude et humide durant l'été austral, et, comme le note pertinemment Bruno, la Lune australe, aussi nuisible que la nôtre, et calée sur le même rythme saoûlant.

 

 

Mais en mai prochain, nous avons le Luberon, sorte de Kalahari vauclusien. ;) .

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